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en quelle qualité Theodose agissoit, il n’y aura point été expliqué s’il faisoit la cession, dont on parle, en qualité d’empereur d’Orient, ou en qualité de seul héritier d’Honorius. Ainsi comme Theodose n’y prenoit point apparemment la qualité d’héritier d’Honorius, et qu’il y prenoit certainement son titre d’empereur des Romains, le monde aura conçû l’idée que Theodose avoit agi comme empereur d’Orient, et par conséquent tous les esprits se seront laissés prévenir de l’opinion : que c’étoit à l’empereur d’Orient qu’il appartenoit de disposer du partage d’Occident, lorsqu’il venoit à vaquer. Cette opinion aura préoccupé tous les esprits d’autant plus facilement, qu’elle les aura trouvés n’étant point encore imbus d’aucun autre sentiment sur ce point-là du droit public de l’empire. Une suite nécessaire de cette opinion, c’étoit la croyance que l’empereur d’Orient fût le souverain véritable et légitime de l’empire d’Occident, tandis qu’il n’y avoit point d’empereur à Rome.

La distinction entre ce que Theodose avoit fait comme empereur des Romains d’Orient, et ce qu’il avoit fait comme héritier d’Honorius par le droit du sang, aura paru dans la suite une subtilité, quand quelqu’un se sera avisé de la proposer, parce que depuis vingt ans les esprits étoient imbus de l’opinion que cette distinction combattoit. On aura répondu que du moins Theodose avoit réuni à la couronne qu’il avoit portée, tous ses droits personnels, tous les droits qu’il tenoit du sang dont il étoit sorti, et que cette couronne étoit celle d’Orient, laquelle Martian portoit actuellement. Les peuples s’imaginent naturellement qu’un prince qu’ils voyent revêtu du même titre que son prédécesseur, ait aussi tous les droits qu’avoit son prédécesseur.

Quoique plusieurs personnes ayent protesté apparemment, pour la conservation des droits de l’empire d’Occident, et qu’elles ayent combattu l’opinion, dont nous parlons, cette opinion sera demeurée néanmoins l’opinion généralement reçûe, parce que les conjonctures l’ont toujours favorisée. En premier lieu, la question avoit été décidée en faveur de l’empire d’Orient, la premiere fois qu’elle s’étoit présentée. En second lieu, depuis l’année quatre cens sept jusqu’au renversement du trône établi à Rome, l’empire d’Occident fut toujours plus affligé et plus malheureux que l’empire d’Orient. Ce dernier essuya bien plusieurs disgraces ; mais sa capitale du moins ne fut point prise par les barbares, et ses plus riches provinces ne furent point envahies par des nations étrangeres ; au lieu que l’empire d’Occi-