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roit fallu se donner pour connoître si la vérité se trouvoit dans l’opinion établie, ou dans les objections.

En effet, entreprendre cette discussion, c’est s’imposer une tâche des plus pénibles. C’est le condamner à relire plusieurs fois le même Livre, parce que dans les lectures précédentes, on n’y aura point cherché expressément les choses qu’une découverte faite ailleurs, & qui a donné de nouvelles vûes, semble promettre qu’on trouvera dans ce Livre. Il faut à chaque moment retourner, pour ainsi dire, sur ses pas. Comme les Editeurs n’ont pas eu les mêmes vûës que nous, nous ne sçaurions dans ces sortes de recherches nous en reposer entierement sur leurs tables des matieres, quelques amples qu’elles soient, & il faut que nous relisions nous-mêmes dans les occasions le texte sur lequel ils ont travaillé, parce que sans être aussi habiles qu’eux, nous ne laissons pas d’être capables d’y découvrir, à l’aide d’une nouvelle lumiere, ce qu’ils n’y ont pas vû. Enfin il faut se résoudre à employer beaucoup d’années & beaucoup de peine à composer quelques volumes d’une grosseur médiocre.

Une pareille tâche est bien rebutante pour un Auteur, sur-tout quand il ne la regarde que comme le commencement de son travail, parce qu’il a entrepris de donner une Histoire de France complette. Il prend donc le parti de se contenter de mettre en son style l’Histoire de Clodion, de Mérouée, de Childéric & de Clovis, telle qu’elle se trouve dans les Livres de ses devanciers, afin de passer le plûtôt qu’il lui sera possible à la partie de nos Annales moins difficile à composer. C’est ainsi qu’un voyageur obligé de traverser les Alpes pour se rendre à Milan, se hâte de sortir d’une contrée si désagréable, pour entrer plûtôt dans les plaines riantes de la Lombardie. Ce n’a été, peut-être, qu’en vûe de s’épargner le travail dont il est ici question, que le Pere Daniel a voulu que les Rois prédécesseurs de Clovis, n’eussent point conservé aucune des acquisitions qu’ils avoient faites dans les Gaules, & que ç’ait été ce Prince, lequel y ait jetté les premiers fondemens de la Monarchie Françoise. Il est toujours certain que cet aimable Historien s’est épargné en prenant le parti qu’il a pris, bien des discussions encore plus pénibles que celles où il entre dans son premier Volume.

Voilà comment il est arrivé que l’erreur dont je crois Frédégaire premier Auteur, a été jusques ici suivie si genéralement par tous ceux qui ont composé nos Annales, qu’elle passe encore aujourd’hui dans les abregés destinés à être mis entre les mains des