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qui restent toujours dans l’esprit des hommes éclairés, lorsqu’ils se trouvent malheureusement engagés dans l’erreur. Ce qui me fait penser ainsi, c’est que plusieurs personnes dignes de foi & qui l’ont connu, lui ont souvent entendu dire : Je me suis apperçû plus d’une fois en composant l’Histoire des premiers Rois Mérovingiens, & même en écrivant les additions que j’y ai faites plusieurs années après l’avoir écrite, que je ne voyois pas bien clair.

Enfin pour continuer la métaphore, tous les matériaux nécessaires au rétablissement de nos Annales, ont été rassemblés & dégrossis dans le cours du dix-septiéme siecle. Plusieurs Sçavans déterminés à ce genre d’étude par leur propre inclination ou par le motif de se rendre utiles à l’Eglise, & soutenus, soit par les récompenses du Prince, soit par les encouragemens qu’ils recevoient de la Communauté dans laquelle ils étoient engagés, contre les dégoûts d’un labeur si pénible, sont venus à bout de ce travail. Ces Sçavans illustres dont quelques-uns ont autant de part que nos meilleurs Poëtes à la réputation que la Nation Françoise s’est acquise par les Lettres, se sont donnés toute sorte de peine pour déterrer, déchiffrer, conferer & éclaircir les monumens litteraires de nos Antiquités. Grace aux travaux de Messieurs Pithou, & de Valois, de Messieurs Jerôme Bignon, Du Cange & Baluze, comme à ceux du Pere Sirmond, de Pere Pétau, da Pere Labbe, de Dom Luc d’Acheri, de Dom Jean Mabillon, de Dom Thierri Ruinart, des Bollandistes & de plusieurs autres, tous les secours qu’il nous est possible d’avoir pour éclaircir les premiers tems de notre Histoire, sont depuis environ cinquante ans à la disposition de tout le monde. Il y a déja quelque tems que nos Antiquaires disent eux-mêmes, que la moisson est achevée, & qu’ils ne font plus que glaner.

Comment est-il donc arrivé, dira-t’on, que les Auteurs, qui depuis cinquante ans ont écrit des Histoires de France, ayent suivi l’opinion ou plûtôt l’erreur établie ? Pourquoi n’ont-ils pas entrepris ce que vous tentez ? Répondons.

Les uns se sont laissé guider au préjugé qu’on a naturellement en faveur d’une opinion reçûe depuis long-tems, & qui n’a point encore été attaquée dans les formes. La prévention des hommes est bien grande pour ces sortes d’erreurs. C’est sans les détruire que les doutes les combattent. A peine cedent-elles à l’évidence. D’autres Historiens se seront bien apperçûs que le systéme établi souffroit des objections insolubles, mais ils auront été rebutés d’entrer dans la discussion de ces difficultés, par la peine qu’il au-