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Les disputes de religion qui sous le regne de François premier, occuperent tous les esprits, détournerent encore le monde de donner à l’Histoire de la Monarchie une attention capable d’engager les Sçavans à faire une étude sérieuse de nos Antiquités. Chaque Science, chaque Art a la vogue durant un tems aux dépens des autres. Ils sont presque tous également sujets à l’empire de la mode.

Enfin les disputes de religion ayant cessé d’être la matiere du tems, tous les Livres des anciens ayant été traduits & commentés ; & d’un autre côté, le nombre des Sçavans s’étant multiplié, il s’en trouva, qui par differens motifs, se mirent à travailler sur l’Histoire de leur Patrie. On commença vers la fin du seiziéme siecle à vouloir publier tous les monumens de nos Antiquités ; & du Haillan, ainsi que plusieurs autres, mirent au jour des Histoires de France, moins imparfaites à plusieurs égards, que celles qu’on avoit vûes jusques-là, mais qui néanmoins ne rétablissent pas les Annales des premiers tems de la Monarchie. Cependant du Haillan, Vignier & les autres dont j’entends parler ici, ne méritent point là-dessus plus de reproche, qu’on en peut faire à Gaguin, à Nicole Gilles, & à Paul Emile. Quand Vignier & ses contemporains ont écrit, les matériaux nécessaires au rétablissement de notre Histoire, étoient encore, s’il m’est permis d’user de cette métaphore, dans les forêts & dans les carrieres. Les en tirer, c’étoit un travail qui ne pouvoit être fait que par plusieurs personnes. C’étoit l’ouvrage d’un siecle, & à peine avoit-on commencé de mettre la main à l’œuvre.

Comme il s’en falloit encore beaucoup que ce travail ne fût achevé lorsque Monsieur Adrien de Valois composa son premier volume de l’Histoire de France imprimé en mil six cens quarante-six, ce sçavant homme ne hésita point à se conformer à l’opinion reçûe : Que les Francs s’étoient rendus maîtres des Gaules l’épée à la main. On apperçoit bien néanmoins par le peu de satisfaction qu’il témoigne avoir lui-même des interprétations forcées, qu’il est réduit à donner à plusieurs passages des Auteurs du cinquiéme siécle & du sixiéme, afin de pouvoir les expliquer suivant le systême établi, qu’il a souvent entrevû la vérité, quoiqu’il ait suivi l’erreur. Si M. de Valois, quatre ou cinq ans avant sa mort arrivée en mil six cens quatre-vingt-douze, eût composé de nouveau les sept premiers Livres de son Histoire, peut-être qu’il eût découvert la vérité en cherchant à éclaircir ces sortes de doutes