Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/466

Cette page n’a pas encore été corrigée

Grands, on ne sçauroit s’empêcher de le louer. Quant à l’extérieur de ce Prince, sa taille n’est qu’au-dessus de la médiocre, mais elle est bien prise. Il a la tête ronde & garnie de cheveux qui se relevent sur le haut du front. Ses yeux sont assez grands, & ils sont couverts de sourcils fort épais. Les cils ou les poils de ses paupieres sont si longs, qu’ils lui descendent jusques sur les jouës lorsqu’il ferme les yeux. On ne lui voit point les oreilles, parce que, suivant la maniere de se coëffer en usage parmi les Visigots, elles sont couvertes par ses cheveux tressés en forme de petites nates ; son nés est aquilin, mais il ne le dépare pas. Sa bouche dont les lévres sont fort minces, est petite, & laisse voir lorsqu’elle s’ouvre, des dents qui semblent d’yvoire.

J’obmettrai plusieurs détails concernant la personne de Theodoric, quoique Sidonius en rende un compte exact, parce qu’ils se sentent trop des tems où tout le monde avoit journellement occasion d’acheter ou de vendre des esclaves, et où tout le monde sçavoit par conséquent le jargon de cette espece de commerce que nous ne connoissons gueres. Chaque trafic a son style particulier, et composé de termes qui lui sont propres.

» Si vous me demandez (Sidonius reprend la parole) quel est l’emploi que Theodoric fait du tems, je vous rendrai compte du moins de ce que le public sçait là-dessus. Il se leve de grand matin, & la premiere chose qu’il fait c’est d’aller, peu accompagné, assister à la Priere qui se fait dans l’Eglise Arienne. Vous sçavez qu’il est de cette Communion. Si l’on, en croit la médisance, son assiduité aux exercices de la Religion, vient moins d’un sentiment de dévotion que d’habitude. Au sortir de là il se met à travailler, & il vaque à ses affaires le reste de la matinée. Ce qu’il fait en premier lieu c’est de prendre séance dans son Prétoire. L’Officier qui porte ses armes est toujours à côté de lui, & ses Gardes couverts de peau s’y font appercevoir. C’est ce qu’on peut dire de leur apparition ; car comme on ne leur permet d’entrer dans le Prétoire qu’afin qu’il ne soit pas dit qu’on les ait empêchés de faire aucune de leurs fonctions, dès qu’ils ont paru on leur fait signe de sortir. Ils sortent donc, & ils vont dans une autre piéce, où ils peuvent faire du bruit, sans que le Roi ni ceux qui ont affaire à lui, soient interrompus. Dès que les Gardes sont sortis, on admet à l’audience du Prince les Envoyés des Nations & les Députés des Communautés,