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soit aux autres sciences, qui demandent plus de méditation & plus d’invention que de lecture. Je vais répondre.

Un peu de réflexion sur le cours ordinaire des choses & sur le caractere des hommes, fera connoître qu’il n’étoit pas possible que l’Histoire de notre Monarchie profitât sitôt des avantages que l’Impression lui devoit procurer. En quoi consistoient les services que l’Histoire de France avoit à tirer de d’invention de la Presse : Ils consistoient en ce que l’Imprimerie, en rendant très-communs des Livres si rares, qu’ils étoient presque inconnus, & en donnant lieu à leurs Editeurs d’en faciliter l’intelligence par de judicieuses observations, elle mettroit les personnes qui s’attacheroient à l’étude de nos Annales, à portée de découvrir des verités qu’on ne pouvoit appercevoir qu’à la faveur du concours des lumieres differentes qui rejailliroient de tous ces écrits. Il falloit donc avant que notre Histoire pût jouir de ces avantages, que des hommes doctes & judicieux eussent publié les monumens litteraires des Antiquités Françoises, échappés du naufrage des tems, & que pour ainsi dire, ils les eussent rendus féconds par de pénibles travaux. Voilà ce qui ne pouvoit être fait qu’en un grand nombre d’années, & d’ailleurs il n’étoit pas dans l’ordre naturel des choses, que ceux de nos Sçavans, qui dans le tems de la renaissance des Arts & des Sciences, laquelle devoir suivre de près l’invention de l’Imprimerie, s’adonneroient à l’étude des Lettres humaines, s’imposassent la tâche dont nous venons de parler. Ils devoient être trop épris de la Grece & de l’Italie, la patrie & le principal objet des Ouvrages de Demosthene, de Ciceron, & de tous les Auteurs anciens dont la lecture les charmoit, pour s’occuper d’autre chose ; & sur-tout s’affectionner à notre Histoire & pour employer leurs veilles à déchiffrer des écrits, où ils n’entrevoyoient que des faits peu interessans pour eux, & racontés encore dans un style qui ne pouvoit manquer de les dégouter, tant il étoit different de celui de Thucydide & de celui de Tite-Live. Enfin, les Gots, les Francs, les Allemands, les Bourguignons, & les autres Peuples, qui dans le cinquiéme siecle & dans le sixiéme, avoient envahi le territoire de l’Empire d’Occident, étoient-ils autre chose aux yeux des Sçavans du regne de François premier, adorateurs du Code & du Digeste, & pleins de respect pour le nom Romain, que des bandes de Barbares effrénés qui avoient détruit l’Etat fondé par Romulus & par Numa, au mépris des prédictions de Virgile, lesquelles lui