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tre, & même elle rendit très-communs plusieurs Livres qui contenoient la verité, & qui dans le tems precedent, étoient si bien ensevelis dans les armoires de quelque Bibliotheque, que les personnes qui en avoient le plus de besoin, ignoroient qu’ils existassent.

D’ailleurs, l’impression en réduisant le prix des Livres à une somme très-modique par comparaison à celle qu’ils valoient, quand il n’y en avoit encore que d’écrits à la main, abregeoit beaucoup aux Sçavans le tems de leurs premieres études, ce tems qu’il faut employer uniquement à apprendre ce qu’ont dit les Auteurs les plus estimés dans la science à laquelle on s’applique, afin de se rendre capable de penser & de produire quelque chose de son propre fonds sur les matieres dont elle traite. Par exemple, le jeune homme, qui avant mil quatre cens soixante, aspiroit à devenir un docte Théologien, ne pouvant point acheter la plûpart des Livres nécessaires à ses études, il étoit reduit à les emprunter. Il falloit donc que pour se rendre maître des passages des Peres ou d’autres Auteurs dont il prévoyoit bien qu’il auroit souvent besoin, il les transcrivît avant que de renvoyer le Livre où il les avoit lus. Quel tems n’emportoit point une lecture ralentie par la nécessité de faire à tout moment des extraits ? On n’est plus sujet à cette interruption depuis qu’on étudie dans ses propres Livres. Un coup crayon qu’on donne, deux mots qu’on écrit sans se détourner, rendent maître du passage dont on veut s’assurer. D’ailleurs, on a communément chez soi les Livres les plus nécessaires dans les études dont on fait son travail ordinaire ; & l’on n’est plus obligé, comme il le falloit autrefois, à sortir souvent de son cabinet pour aller les consulter dans la Bibliothéque de quelque Communauté : Ainsi les Sçavans qui se sont formés depuis l’invention de l’Imprimerie, ont pû avoir fini dès trente ans leurs premieres études, quoiqu’ils eussent beaucoup plus de choses à apprendre que leurs devanciers, qui ne pouvoient pas avoir fini les leurs avant quarante ans. Les Sçavans qui se sont formés après l’invention de la Presse, ont donc été capables de bonne heure de faire usage de ce qu’ils avoient appris, de produire d’eux-mêmes, & de perfectionner les sciences par des Ouvrages qui détrompassent leurs contemporains des erreurs établies ?

Il est vrai même de dire que l’invention de l’Imprimerie a dû être encore plus profitable aux Sçavans qui s’appliquoient à l’Histoire, qu’à ceux qui s’appliquoient, soit à la Philosophie,