Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lons ? Quelle difference entre un simple Manuscrit & un pareil exemplaire accompagné encore d’une Table des matieres composée judicieusement, & de notes qui indiquent aux Lecteurs les passages des Auteurs anciens propres à éclaircir la difficulté sur laquelle ces notes roulent. Les Œuvres de Sidonius Apollinaris, pouvoient-elles, lorsqu’elles n’étoient encore qu’en manuscrit, donner à un homme qui vouloit éclaircir les premiers tems de notre Histoire, autant de secours qu’elles peuvent lui en donner depuis qu’elles ont été imprimées avec le Commentaire de Savaron & avec celui du Pere Sirmond ? Ce que je viens de dire de Gregoire de Tours & de Sidonius Apollinaris, peut être dit aussi de la plûpart des écrits qui nous restent du cinquiéme siecle & du sixiéme. Afin qu’un homme pût ayant l’Imprimerie, tirer de ces écrits le même secours que nous en pouvons tirer aujourd’hui, il auroit fallu que cet homme elle sçû lui seul tout ce que sçavoient les hommes doctes qui les ont publiés & commentés. Il faudroit qu’il eût fait lui seul un travail qui a occupé plusieurs Sçavans durant toute leur vie.

Qu’on ne s’étonne donc pas que ceux qui ont composé des Histoires de France avant l’invention de ce bel Art, n’ayent point rétabli le commencement de nos Annales. Cela ne leur étoit pas possible, & même cela ne l’étoit gueres plus à Robert Gaguin, à Nicole Gilles, & à Paul Emile, qui ont écrit chacun une Histoire de France à la fin du quinziéme siecle, & trente ans environ après que l’Impression eût été trouvée. Ils n’avoient gueres que les mêmes secours qu’avoient eu leurs devanciers. Ainsi ces trois Historiens, au lieu de donner quelqu’atteinte à l’erreur, qui represente l’établissement de la Monarchie Françoise, sous la forme d’une conquête faite par un Peuple sur un autre Peuple, ils l’ont fortifiée en la suivant. Cela est vrai, principalement de Paul Emile, dont l’Histoire écrite en assez bon Latin, devint aussi-tôt qu’elle parut, l’Histoire favorite des gens de Lettres.

Voyons presentement pourquoi il est arrivé que le commencement de nos Annales n’ait pas été rétabli soixante ou quatre-vingt ans après que les Presses eurent commencé à rouler ? Je dois l’avouer, il paroît d’abord que l’invention de l’Imprimerie ait dû produire cet effet, & purger en moins d’un siecle les Histoires des Monarchies formées du débris de l’Empire Romain, de toutes les erreurs, dont l’ignorance des siecles précedens les avoit remplies. En peu de tems, la Presse fit connoî-