Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/420

Cette page n’a pas encore été corrigée

quain plus perfide que lui. Du reste, aucun souverain ne sçauroit être, ni plus absolu dans ses Etats, qu’il l’étoit dans les siens, ni plus accredité dans les païs voisins qu’il l’étoit aussi, supposé même qu’on ne l’y crût qu’un homme : en effet il passoit en plusieurs contrées pour fils de Mars. Dans d’autres on étoit persuadé que Mars avoit du moins une prédilection particuliere pour lui, et que c’étoit pour en donner une marque autentique, que ce dieu avoit voulu que son épée fût découverte miraculeusement par un pastre dans le lieu où elle avoit été enterrée durant plusieurs siécles, et qu’elle tombât dans la suite entre les mains du prince dont nous parlons.

On peut bien croire qu’un roi barbare du caractere d’Attila, rouloit toujours dans son imagination le projet d’une entreprise contre les Romains, soit pour aggrandir son royaume, ou seulement pour s’enrichir par le pillage de quelque province. Il avoit déja fait plusieurs incursions sur le territoire de l’empire d’Orient, lorsque vers l’année quatre cens quarante-neuf il forma le vaste dessein de se rendre le maître des Gaules, et de les répartir entre les differens essains de barbares qui l’auroient suivi. Les Gaules étoient encore alors, malgré les malheurs qu’elles avoient essuyés, la plus riche et la meilleure province de l’empire d’Occident. D’ailleurs la temperature des Gaules convenoit mieux aux nations Scythiques et aux nations Germaniques, dont la patrie étoit un païs froid, que la Grece et même que l’Italie. Les conjonctures étoient favorables au roi des Huns ; ces Gaules se trouvoient alors partagées entre plusieurs puissances qui paroissoient trop animées à s’entre-détruire, pour craindre qu’elles se donnassent jamais des secours sérieux. La haine des unes étoit un garant de l’amitié des autres. Ainsi, persuadé qu’il trouveroit des partisans dans les Gaules, dès qu’il y auroit mis le pied, il ne doutoit pas de s’y établir, et de s’y rendre même en peu de tems le maître de la destinée de ceux qui l’auroient aidé à faire réüssir son entreprise.

Ce qui l’encourageoit encore à la tenter, c’est qu’il ne craignoit point de trouver à l’approche du Rhin la même résistance que les Vandales y avoient trouvée en l’année quatre cens six. Nous avons vû que ces barbares y eurent d’abord à combattre la nation des Francs, alliée des Romains, et que même peu s’en fallut qu’ils n’eussent été défaits avant que d’être parvenus jusqu’au lit de ce fleuve. Le projet d’Attila,