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sur le texte de Gregoire de Tours, suffit néanmoins, pour appercevoir que ce sentiment n’est point soutenable. En premier lieu, ce texte, loin de dire que les Visigots fussent les maîtres de Chinon, dit au contraire positivement que les habitans du plat-païs de ce canton s’y étoient jettés. Cela ne seroit point arrivé, si Egidius eût fait ce siége, pour contraindre un ennemi étranger à sortir de Chinon. En second lieu, Gregoire de Tours parle des assiégés avec affection, et comme s’interessant pour eux, ce qu’il n’auroit point fait, s’ils eussent été des barbares ennemis de l’empire. Enfin, comme nous l’avons déja dit, et comme nous le verrons dans la suite, ce ne fut qu’après la mort d’Egidius que les Visigots mirent le pied dans la Touraine.

La guerre qu’Aëtius avoit à soutenir, soit contre les Armoriques, soit contre les differentes tribus des Francs qui vouloient établir dans les Gaules des peuplades, ou des Etats indépendans, donnoient tant d’occupation à toutes les forces dont il pouvoit disposer, qu’il se trouva en l’année quatre cens quarante-six dans l’impuissance de fournir aucun secours aux Romains de la Grande-Bretagne qui étoient également pressés et mal menés, soit par les barbares du nord de l’isle, soit par ceux des barbares de la Germanie que ces Romains mêmes avoient appellés déja, pour les opposer aux premiers. Dès la fin du quatriéme siécle l’empereur Maxime en avoit tiré pour soutenir la guerre contre Theodose Le Grand toutes les troupes reglées que les Romains y entretenoient, et il les avoit fait passer avec lui dans les Gaules. Il avoit même emmené toute la jeunesse avec lui, et ces jeunes gens n’étant point accoutumés aux travaux militaires, y avoient succombé. Durant les six années du regne de Maxime, très-peu d’entr’eux étoient rétournés dans leur patrie : ainsi les provinces de la Grande-Bretagne, où les successeurs de Maxime avoient bien fait repasser quelques troupes, mais qui étoient épuisées de citoyens furent presque toujours depuis désolées par les incursions des barbares du nord de l’isle. Theodose Le Grand et son fils Honorius ne les continrent que durant un tems.

Voici ce que dit Beda écrivain du septiéme siécle, sur l’état où se trouvoit la Grande Bretagne vers le milieu du cinquiéme,