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jorien donnoit dès sa jeunesse les plus grandes espérances, parle de la jalousie qu’en conçut la femme d’Aëtius. Il introduit même dans son poëme cette matrône romaine, parlant à son mari, et lui représentant entr’autres choses, que la gloire qu’il avoit acquise couroit risque d’être obscurcie par celle qu’acqueroit le jeune Majorien, qui chaque jour, ajoûte-t-elle, fait mille belles actions sans vous, au lieu que vous ne faites plus rien de grand sans lui. Elle dit dans l’énumération des derniers exploits de Majorien : » Vous n’étiez point avec lui lorsqu’il étanchoit sa soif avec les eaux de la Loire congelée, & mises en morceaux à coups de hache. C’est sans vous qu’il a rassuré les Tourangeaux allarmés à l’approche de l’ennemi. Je sçais bien que très-peu de jours après vous avez combattu ensemble contre le Roi des Francs Clodion, au milieu des plaines de l’Artois. »

Il est vrai que Sidonius ne dit point que les Armoriques fussent les ennemis contre qui Majorien défendit les Tourangeaux ; mais cela paroît incontestable quand on fait attention sur l’état où les Gaules se trouvoient pour lors. Dans ce tems-là les Visigots étoient en paix avec l’empire ; et d’ailleurs ils n’avoient point encore étendu leurs quartiers dans la premiere Aquitaine, comme nous verrons qu’ils les étendirent dans la suite. Les Francs ne tenoient rien alors en deça de la Somme, et les Bourguignons ne possedoient aucune contrée qui ne fût éloignée de Tours d’une centaine de lieuës. Ainsi les Armoriques qui conserverent Nantes jusques sous le regne de Clovis, étoient à portée, et les seuls en état en quatre cens quarante-six, de faire la tentative qui fut faite en ce tems-là sur Tours, et que l’armée de l’empereur empêcha de réussir. En effet, quoique le pere Sirmond ne témoigne pas avoir eu en faisant ses notes sur Sidonius Apollinaris, les vûës que nous avons, il ne laisse pas d’avoir entendu les vers dont il s’agit ici, comme nous les entendons. « Les Tourangeaux, dit--