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nées ; Aëtius est massacré par le fils efféminé de Placidie devenu furieux. »

Ainsi l’on peut juger si dans l’année quatre cens quarante-cinq, et dans la suivante, si dans le tems fatal, les peuples fideles à l’empire devoient être intimidés par la prédiction de Vettius, et si au contraire elle ne devoit point encourager les sujets révoltés. La superstition fait souvent d’une terreur panique un malheur réel, et souvent cette terreur est le plus grand mal d’une monarchie qui peut courir quelque danger véritable. Il y a même des conjonctures telles qu’il suffiroit que les peuples fussent bien persuadés de la vérité d’une prédiction chimérique, pour faire avoir un plein effet à cette prédiction. Personne n’ignore qu’il arriva quelque chose d’approchant dans le seiziéme siécle. Les astrologues ayant annoncé avec effronterie un second déluge pour l’année 1524 les paysans crurent la prédiction, et ils cesserent de travailler à la culture de la terre[1]. On eut toutes les peines du monde à les obliger de reprendre leur travail, et à empêcher que leur prévention ne causât un mal réel, et presqu’aussi funeste que celui qui faisoit l’objet de leur terreur.

Je me figure donc que l’approche de l’année 1447, aura produit dans le monde romain autant d’allarmes, d’agitation, et de troubles qu’en produisit dans des tems plus voisins du nôtre, l’approche de la milliéme année de l’ére chrétienne. Comme dans les dernieres années du dixiéme siécle chacun arrangeoit ses affaires, et prenoit ses mesures sur le pied que la fin du monde arriveroit avec la fin du siécle, de même en quatre cens quarante et les années suivantes, plusieurs personnes auront pris leurs mesures, dans la persuasion que l’année quatre cens quarante-sept seroit le terme fatal de la durée de Rome et de son empire. Les Armoriques se seront conduits en quatre cens quarante-six conformément à cette opinion ; c’est-à-dire, que les principaux d’entr’eux auront profité de l’erreur où étoit le peuple, pour rompre un accommodement qui les eût dégradés, en leur redonnant des maîtres.

Enfin, et c’est le quatriéme des motifs qui auront fait rompre la négociation que saint Germain suivoit à Ravenne. Ceux qui commandoient dans les Gaules pour l’empereur, abusoient de l’armistice, pour tramer des complots dans les provinces confédérées, et pour y former un parti qui par quelque coup de main, les remit sous l’obéïssance du Prince,

  1. Voyez le Dict. de Bayle à l'art. de Stoffler.