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prédiction dont il s’agit, sera devenue l’entretien de tout le monde, dès le commencement du cinquiéme siécle, quand le tems fatal n’étoit plus éloigné que d’une quarantaine d’années.

La religion chrétienne, dira-t-on, n’avoit-elle pas enseigné la vanité de tous les présages tirés des augures, et de toutes les especes de divination en usage dans la religion payenne ; or presque tous les Romains étoient déja chrétiens au milieu du cinquiéme siécle. Je tombe d’accord que nos Romains devoient géneralement parlant être alors désabusés de l’opinion qu’il fût possible de trouver dans les entrailles des animaux, et dans les augures aucun présage de l’avenir. Cela devoit être, mais cela n’étoit pas ; les superstitions fondées sur les dogmes du paganisme, ont survêcu long-tems à ces dogmes. L’histoire du cinquiéme siécle et celle des siécles suivans sont remplies de faits qui le prouvent. Quoique, par exemple, sous le regne de l’empereur Justinien qui monta sur le trône du partage d’Orient en l’année cinq cens vingt-sept, il y eut déja plus de cent ans que tout exercice de la religion payenne eut été défendu ; cependant lorsque cet empereur eut ordonné par un édit, qu’on recherchât ceux des chrétiens qui pratiquoient encore en secret les cérémonies superstitieuses de l’idolâtrie, on découvrit, suivant le récit de Procope, auteur contemporain, une infinité de coupables, parmi lesquels il se trouva même un grand nombre des principales personnes de l’Etat : nous rapporterons encore dans la suite de cet ouvrage quelques autres faits, qui prouvent la même chose. On les croira sans peine, pour peu qu’on fasse attention à la curiosité et à la foiblesse de l’esprit humain. Enfin n’avons-nous pas plusieurs loix faites par nos rois mérovingiens dans le sixiéme siécle, et quand il n’y avoit plus d’idolâtres dans les Gaules, pour y extirper les restes d’idolâtrie qu’on y voyoit encore ? Quelle peine saint Gregoire Le Grand, qui mourut au commencement du septiéme siécle, ne fut-il pas obligé de prendre, pour achever de déraciner le paganisme mort, s’il est permis de parler ainsi, il y avoit déja plus de deux cens ans, lorsque ce pape s’assit sur le trône de saint Pierre.

Quoique les hommes fussent bien plus crédules dans le cinquiéme siécle, qu’ils ne le sont aujourd’hui, je pense néan-