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Nous avons déja rapporté en differens endroits de cet ouvrage quelques passages des écrits du cinquiéme siécle, qui suffiroient pour faire foi qu’alors les peuples de l’empire étoient réduits à une extrême misere par les taxes et par les impositions exhorbitantes qu’on levoit sur eux, de maniere qu’à parler en géneral, tous les ordres inférieurs étoient mal-intentionnés, et las du gouvernement present. Cependant je crois devoir encore rapporter ici quelques passages du Livre de la Providence écrit dans le milieu du cinquiéme siecle, par Salvien, prêtre de l’Eglise de Marseille. Ils peignent vivement quelle étoit alors la disposition d’esprit des sujets de l’empire dans les Gaules, et ils font connoître mieux qu’aucun autre monument litteraire de ce tems-là, les causes principales de la chute d’une monarchie, à qui ceux qui la virent dans son état florissant, avoient eu raison, suivant la prudence humaine, de promettre une éternelle durée. Ces passages mettent, pour ainsi dire, sous les yeux tous les symptômes qui annoncent la destruction prochaine d’un corps politique, dont la constitution est robuste, et qui périt uniquement par un mauvais regime, c’est-à-dire ici par une mauvaise répartition des charges publiques.

On ne sçauroit douter que Salvien n’ait écrit son Livre de la Providence après l’année quatre cens trente-neuf. Nous avons rapporté ci-dessus les passages où cet auteur parle de la défaite de Litorius Celsus par les Visigots, et de la prise de Carthage par les Vandales, deux évenemens arrivés constamment cette année-là. Quoique Salvien ait vêcu jusqu’à la fin du cinquiéme siecle, puisque Gennade qui composa ses éloges en ce tems-là, y parle de cet auteur, comme d’un homme encore vivant, il est néanmoins très-apparent que Salvien a écrit son Livre de la Providence avant l’année quatre cens cinquante-deux. La raison que j’en vais alleguer, paroîtra convaincante à ceux qui connoissent cet ouvrage. L’auteur, qui vivoit dans les Gaules, y parle à plusieurs reprises de l’invasion des Vandales, des entreprises des Visigots, de la rebellion des Armoriques, en un mot de tous les malheurs arrivés dans cette grande province de l’empire avant l’année quatre cens cinquante et un ; et cependant il n’y dit rien de l’invasion qu’y fit Attila dans cette année-là. Il auroit parlé d’un tel évenement, s’il n’eût pas écrit avant qu’il fût arrivé.

Je vais rapporter deux extraits de Salvien, en transposant l’or-