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Francs, écrit-il, sortis de Dispargum se rendirent maîtres de Tournay, de Cambray, comme de toute cette partie de la seconde Belgique, qui est au nord de la Somme, et ils y habiterent long-tems sous le regne de Clodion et de Mérovée. Rapportons enfin le texte du pere Daniel.

» Voici donc l’objection qu’on peut me faire[1]. Le Roi Clodion, suivant Gregoire de Tours qui l’appelle Chlogion, s’empara de Cambray & du païs d’alentour jusqu’à la Riviere de Somme. J’ajoute pour fortifier l’objection, que plusieurs Auteurs contemporains font mention aussi bien que Gregoire de Tours, de cette expédition, entr’autres l’Evêque d’Auvergne Apollinaire, dans le Panegyrique de Majorien, auquel il parle de la sorte : pugnastis pariter, &c. Prosper, Cassiodore, l’Evêque Idace s’accordent sur ce point avec Gregoire de Tours, avec Apollinaire, mais tous ajoutent ce que Gregoire de Tours n’a pas ajouté, qu’Aëtius General de l’Armée Romaine, sous lequel Majorien servoit alors, défit Clodion, & qu’il reprit sur lui tout ce qu’il avoit enlevé à l’Empire Romain en-deçà du Rhin. Pars Galliarum, dit Prosper, propinqua Rheno, quam Franci possidendam occupaverant Aëtii Comitis armis recepta. Cassiodore en dit autant dans sa Chronique.

Je réponds au pere Daniel. Il est bien vrai que Gregoire de Tours n’ajoute point au récit de l’entreprise et des succès de Clodion ce qu’on trouve dans Prosper et dans Cassiodore : Que sous le consulat de Felix et de Taurus, Aëtius recouvra la partie des Gaules voisine du Rhin, de laquelle les francs s’étoient rendus les maîtres ; mais c’est parce que Gregoire de Tours n’entend point parler du même évenement dont nos deux annalistes ont voulu parler. Gregoire de Tours, dans le passage que nous discutons, parle d’un évenement arrivé vers l’année quatre cens quarante-cinq, et dix-sept ou dix-huit ans après l’évenement dont Prosper et Cassiodore ont parlé, évenement qui étoit arrivé dès l’année quatre cens vingt-huit selon leurs fastes. Quant à Sidonius, ce n’est point aussi de l’expédition que fit Aëtius l’année quatre cens vingt-huit contre les Francs qu’il veut parler, mais bien de celle que fit ce géneral contre les Francs, après que Clodion se fût

  1. Hist. de Fr. Préface historique pag. 93. de l’Ed. de 1722.