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si le nombre donnent l’avantage à leur ennemi, ils peuvent bien alors être tués, mais ils ne sçauroient être mis en fuite. Ils meurent sans perdre le courage, & ils ont encore de la valeur, quand ils n’ont presque plus de vie. »

Un auteur moderne qui a très-bien écrit l’histoire de France, mais qui veut, quoiqu’il en puisse couter à la vérité, que Clovis à son avenement à la couronne, ne possedât rien dans les Gaules, prétend que la surprise de Cambray par Clodion, et le combat où les troupes de ce prince furent battues auprès du vieil Hesdin par Aëtius et par Majorien, soient des évenemens contemporains ou antérieurs au consulat de Felix et de Taurus en l’année quatre cens vingt-huit, tems où nous avons vû qu’Aëtius réduisit les Francs qui s’étoient établis en-deçà du Rhin, à se soumettre à l’empire, ou bien à repasser ce fleuve.

Le p Daniel soutenant le systême qu’il a entrepris d’établir, a grande raison de prétendre ce qu’il prétend ; car s’il est une fois avéré que la surprise de Cambray, et le combat donné près du vieil Hesdin, sont des évenemens bien postérieurs au consulat de Felix et de Taurus, il s’ensuivra que les Francs soumis ou renvoyés au-delà du Rhin en l’année quatre cens vingt-huit, l’auront passé de nouveau avant le regne de Clovis, et dès le regne de Clodion, et que dès le regne de Clodion ils auront encore établi dans les Gaules des peuplades indépendantes des officiers de l’empereur, en un mot, un royaume. Ainsi, comme on ne lit point dans aucun auteur du cinquiéme siécle ou du sixiéme, que les Romains ayent obligé jamais ces nouvelles colonies fondées postérieurement à l’année quatre cens vingt-huit, à retourner dans la Germanie, ni à se soumettre à l’empereur, on en pourra conclure qu’elles auront sçû se maintenir dans les Gaules, et qu’elles s’y seront maintenues dans l’indépendance. Or comme on trouve d’un autre côté que les Francs étoient maîtres dès les premieres années du regne de Clovis, de Tournay et de Cambray, les deux cités conquises par Clodion, il sera facile d’inferer de tout ce qui vient d’être exposé, que Clodion avoit laissé ce païs qu’il avoit conquis aux rois Francs ses successeurs, que c’étoit en qualité d’un des successeurs de Clodion que Clovis tenoit Tournay dont on le trouve en possession, sans qu’on voye qu’il l’ait jamais conquis, et par conséquent que la monarchie françoise a eu trois rois avant Clovis. C’est ce que dit positivement Hincmar dans sa vie de saint Remi. Les