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le fait donner à des personnes à qui ce mot pris dans son sens naturel, ne convient en aucune façon.

On vit quelque chose de semblable à ce que nous venons de dire durant les troubles du Païs-Bas, commencés en mil cinq cens soixante et cinq. Les premiers factieux qui se donnerent à eux-mêmes le nom de Gueux, se trouvoient être presque tous des personnes de condition, dont plusieurs étoient riches. Ils prirent tous néanmoins ce nom-là, comme le nom de leur parti, et cela indépendemment de l’état de leur fortune et même indépendemment de leur religion. Lorsque dans la suite le nom de Gueux fut devenu le sobriquet propre aux calvinistes, parce qu’il n’y avoit plus que les provinces où les calvinistes étoient les maîtres qui persistassent dans l’union d’Utrecht, on a continué de l’employer toujours comme un nom de parti, sans avoir aucun égard ni à la pauvreté ni à la richesse. Combien de fois a-t-on donné le nom de Gueux à des personnes qui jouissoient de trente mille livres de rente ? Dans la portion des Païs-Bas qui s’appelle la généralité, c’est-à-dire, dans la partie du duché de Brabant, et dans celle du comté de Flandres, qui appartiennent aux sept provinces-unies en commun, parce qu’elles ont conquis cette contrée à frais communs ; il arrive tous les jours qu’un pauvre païsan catholique dit que le seigneur de son village est gueux, lorsque ce seigneur est calviniste ? Ne dit-on pas aussi, comme nous l’avons remarqué, que Luxembourg est une ville des Païs-Bas ? L’usage est le tyran des langues vivantes.

Nous verrons encore dans la suite de cet ouvrage, que Salvien qui vivoit dans les provinces obéissantes, et qui a écrit vers le milieu du cinquiéme siécle, a toujours désigné les Armoriques par le nom de Bagaudes.