Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/355

Cette page n’a pas encore été corrigée

occasion de les citer) que plusieurs villes assises au midi de la Loire, étoient comprises dans les Gaules ultérieures.

Lorsque je traduis Galliarum servitia par le menu peuple des Gaules, j’ai pour garant l’usage du tems attesté par le glossaire latin de M Ducange, qui fait foi que dans la basse latinité, servitium ne signifioit pas seulement les hommes qui étoient dans l’état de servitude, mais aussi les personnes libres obligées par differentes raisons, à en servir d’autres.

Venons au dernier des éclaircissemens, dont je suis redevable envers le lecteur. J’ai aussi pour moi le sentiment de M Ducange, et toutes les convenances, lorsque je rends bagaudia par la république des Armoriques. Nous avons vû d’où venoit le nom de Bagaudes[1], et qu’on donnoit ce nom dans les Gaules à tous les révoltés. C’étoit une espece de sobriquet, par lequel les sujets fideles les désignoient. Nous verrons même que ce sobriquet avoit passé les Pyrénées, et qu’on le donnoit en Espagne aux sujets rebelles. Il est fait mention plus d’une fois dans l’histoire des Bagaudes du territoire de Terragone, et d’autres cités d’Espagne. D’un autre côté, la signification naturelle de Bagaudia est celle que lui donne M Ducange, le païs des Bagaudes. Or qui étoient les rebelles, ou les Bagaudes des Gaules en quatre cens trente-quatre, et dans le tems que Tibaton fit révolter la Gaule ultérieure ? C’étoient les confédérés de l’union Armorique. Prosper suit, en les désignant, ainsi qu’il les désigne, l’esprit du parti dans lequel il se trouvoit. Mais, dira-t-on, le nom de Bagaudes qui originairement étoit celui de païsans attroupés, pouvoit-il être donné à des peuples qui formoient une république aussi étendue et aussi puissante que l’étoit celle des Armoriques ? Je réponds deux choses à cette objection : l’une est, que les premiers Bagaudes, que ceux qui firent connoître ce nom, et qui le mirent en usage, ne devoient pas être simplement un gros de mutins rassemblés au hazard, un attroupement de personnes de la lie du peuple, puisque, comme nous l’avons vû, ils faisoient des entreprises sur les villes, et qu’ils oserent même mettre le siege devant Autun. Mais quelqu’abjecte qu’eût été la condition dont étoient les premiers révoltés qu’on appella Bagaudes, il suffit que ce nom fût devenu le sobriquet ordinaire que les sujets fideles donnoient aux sujets rebelles, pour être attribué dans la suite à tous les révoltés, quelle que fût leur condition, et quelque puissant que fût leur parti. En ces sortes d’occasions l’usage l’emporte sur la signification propre du nom ; il

  1. Voyez le Chap. second de ce Livre second.