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juge du trouble et de la confusion qu’un pareil attentat dut causer en occident ; et si Placidie qui d’un côté se voyoit outragée par un de ses officiers, et qui d’un autre côté apprenoit chaque jour que les Vandales faisoient de nouveaux progrès en Afrique, avoit le loisir de songer aux affaires des Gaules. Il faut cependant qu’Aëtius ait fait sa paix avec Placidie en quatre cens trente-un, puisque nous le voyons consul en quatre cens trente-deux ; mais les mouvemens qui arriverent cette année-là même, montrent bien que le parti de ce capitaine, et le parti qui lui étoit opposé, ne s’étoient pas reconciliés veritablement, et que leur raccommodement n’avoit pû produire aucun fruit.

Nous avons parlé déja plus d’une fois de Bonifacius. Cet officier romain qui commandoit en Afrique, lorsque Placidie fut réduite à se réfugier à Constantinople, et qui s’étant alors déclaré pour elle, ne voulut plus lui obéir, lorsqu’elle fut devenue la maîtresse de l’empire d’Occident sous le nom de Valentinien[1]. Nous avons vû même qu’en quatre cens vingt-sept ce Bonifacius avoit été déclaré ennemi de l’Etat, qu’on avoit envoyé une armée contre lui, et que pour se mettre mieux en défense, il avoit par un crime des plus fameux dont l’histoire romaine fasse mention, attiré en Afrique les Vandales d’Espagne. Or Procope nous apprend que la désobéissance de Bonifacius, et tous les malheurs dont elle avoit été la cause, étoient l’effet d’une trame ourdie par Aëtius, et que toute l’intrigue fut découverte dans le tems où nous en sommes. Aëtius avoit d’abord écrit à Bonifacius que la cour étoit résolue à le perdre, et qu’elle alloit le mander, afin de se défaire de lui aussi-tôt qu’il auroit mis le pied dans les lieux où elle faisoit son séjour. Aëtius avoit ensuite insinué à Placide que Bonifacius se mettoit en état de se maintenir malgré elle dans le gouvernement d’Afrique, et il avoit avancé, pour montrer qu’il disoit vrai : qu’elle pouvoit éprouver Bonifacius, en le mandant à la cour, et qu’elle verroit alors s’il ne désobéiroit pas. L’ordre avoit été envoyé à Bonifacius ; il avoit désobéi, et la guerre civile dont nous venons de récapituler les évenemens s’en étoit ensuivie. On conçoit aisément l’interêt qu’avoit Aëtius de brouiller Bonifacius avec Placidie. Aëtius n’étoit pour cette princesse qu’un ennemi reconcilié, et qui suivant le cours ordinaire des choses, ne pouvoit prétendre à aucune dignité au préjudice d’un ancien serviteur. Toute la trame, comme je l’ai déja dit, fut donc découverte pleinement vers l’année quatre cens trente-deux. Il n’y aura eu d’abord que des soup-

  1. Procop. Bell. Vand. lib. 1 cap. 3.