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quelque-tems parmi les Romains des Gaules, adoucirent la prononciation de ce nom, et Hincmar appelle simplement Hludovicus le prince qu’on nommoit communément Chlodovechus trois siecles auparavant. Dom Thierry Ruinart observe qu’on trouve le nom de sainte Clotilde écrit de cinq ou six manieres differentes dans des auteurs latins.

La même chose sera donc arrivée pour le mot de Thuringiens. Les Romains portés à corriger l’âpreté de la prononciation tudesque, auront dit Tongriens, au lieu de Thoringiens  : et ils se seront en écrivant ce nom, conformés à l’adoucissement qu’ils apportoient à sa prononciation.

Mais, dira-t-on, comment se peut-il faire que le même peuple des Gaules qui s’étoit appellé Tongri durant cinq siecles abusivement, si l’on veut, ait repris son nom de Toringi dans le cinquiéme ? C’est ce que je crois pouvoir expliquer par l’histoire de ce peuple-là. Il fut partagé sous le regne de l’empereur Auguste en deux essains. Une partie demeura dans le nord de la Germanie, et l’autre fut transplantée par cet empereur dans la seconde des Germaniques et placée dans la contrée des Gaules qui se nomma depuis la cité des Tongriens. Procope le dit positivement dans un endroit de son histoire de la guerre Gothique, lequel nous rapportons deux pages plus bas. Si quelques personnes ne trouvoient point l’autorité de Procope suffisante, pour rendre constant qu’Auguste établit dans les Gaules une peuplade de Germains qui s’appellerent les Tongriens, il seroit facile de fortifier le témoignage de cet historien par la déposition d’auteurs encore plus anciens que lui.

Comme l’observe Cluvier, il n’y avoit point encore de Tongriens dans les Gaules du tems de Jules-Cesar. Cet empereur appelle Eburones, Condrusii, etc. les peuples[1], qui de son tems occupoient la contrée des Gaules, que les Tongriens habiterent dans la suite. Cependant Pline l’historien, et Tacite parlent en plusieurs endroits de leurs ouvrages des Tongriens, comme d’une des nations qui habitoient dans la seconde des provinces germaniques des Gaules, dans le tems qu’ils écrivoient. Il faut donc nécessairement que ces Tongriens y eussent été établis entre le tems où Jules-Cesar a écrit, et le tems où a écrit Pline, c’est--

  1. Germ. antiqua, lib. 2. cap. 20.