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cependant : Que les Francs qui venoient de la Pannonie, s’établirent d’abord sur les bords du Rhin, et qu’ayant passé ensuite le Rhin, ils s’habituerent dans la Turinge, nos auteurs se sont vûs réduits à dire qu’il y avoit une faute énorme dans le texte de cet historien qui devoit avoir écrit le Mein, et non pas le Rhin. Ces auteurs ont été donc obligés à corriger le texte de Gregoire de Tours, sans être autorisés par aucun manuscrit, et d’y lire de leur autorité moeno pour rheno. Comme on adjuge ordinairement les corrections au rabais, c’est-à-dire, à celui qui rétablit le sens de l’auteur, en changeant le moins de lettres dans son texte, je demanderois et je mériterois la préference, si j’étois réduit pour combattre la supposition dont il s’agit, à faire de mon autorité la correction legere qu’il faut faire, afin de changer toringi en tongri. En effet, il faut bien plus de changemens pour faire Moeno de Rheno, que pour faire Tongri de Toringi. Mais comme je l’ai déja dit, mon opinion accommode toutes les difficultés, sans que je me trouve dans l’obligation de corriger aucun manuscrit.

Cette opinion est donc que du tems de Gregoire de Tours on disoit indifferemment Tongri, et Toringi ou Thoringi, en parlant des peuples du diocèse de Tongres. Et par conséquent, Tongria, Toringia, Thoringia, en parlant de ce païs-là. Elle est fondée sur trois raisons. La premiere est qu’il est sensible par des manuscrits mêmes de Gregoire de Tours, que l’auteur, et ceux qui les ont copiés les premiers, se sont servis du nom Tongri, et du nom Toringi, comme de deux noms appartenans à un même peuple, et qu’on pouvoit employer également pour le désigner : la seconde, que très-probablement ces noms sont originairement le même nom prononcé differemment et diversement ortographié. La troisiéme est que Procope, contemporain de Gregoire de Tours, donne certainement le nom de Turingiens aux Tongriens, au peuple, qui dès le tems de l’empereur Auguste habitoit dans la cité de Tongres, dans la Gaule enfin. Déduisons ces trois moyens.

Guillaume Morel qui donna en mil cinq cens soixante et un la seconde édition de l’histoire de Gregoire de Tours, rapporte qu’il avoit vû un ancien manuscrit de cet auteur, où l’on lisoit écrit de la même main : Dispargum qui est sur les confins des Tongriens ou des Turingiens. N’est-ce point à dire, sur les confins du peuple connu sous le nom de Ton-