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rerions presque entierement ce qui s’est passé dans la Monarchie durant près de cinquante ans. Mais il ne s’agit point ici de parler de ce dernier ouvrage, où l’Auteur a pû écrire fidelement les évenemens arrivés de son tems, quoiqu’il manquât de la capacité & du jugement nécessaires pour bien composer l’Histoire des siécles précedens. Une capacité médiocre suffit pour écrire année par année, & pour rédiger en forme de Chronique le récit des évenemens arrivés de nos jours.

Pour bien composer l’Histoire des tems reculés, il faut quelque chose de plus. Il faut être capable de juger du génie & des vûes des Auteurs contemporains, comme du mérite de tous ceux dont les ouvrages nous servent de mémoires. Il faut un jugement capable de discerner ce qui mérite d’être écrit. Il faut sçavoir mettre dans ses narrations cet ordre & cette précision qui les font en tendre sans peine, & retenir sans effort. En un mot, il faut avoir étudié l’Art qu’enseignoit une des neuf Muses[1].

Revenons à l’Abregé de Frédégaire. Nous avons déja dit qu’en plusieurs endroits, cet Auteur avoit mal entendu fa grande Histoire. Quant aux additions qu’il y fait quelquefois, celles de ces additions qui concernent les tems antérieurs à Clovis, ne sont propres qu’à confirmer ce qu’on vient de dire, concernant le jugement de l’Abréviateur. Elles ne contiennent gueres que des faits reconnoissables d’abord à leurs circonstances pour être fabuleux. Pour ce qui est de celles de nos additions qui contiennent des évenemens posterieurs au baptême de Clovis, & qui regardent par conséquent des tems plus voisins de celui de l’Auteur qui vivoit au milieu du septiéme siécle, elles nous apprennent quelquefois des faits également curieux & vraisemblables, que Frédégaire aura tirés d’écrits qui ne sont pas venus jusqu’à nous, ou qu’il aura sçus par une tradition qui n’étoit point encore tout-à-fait éteinte de son tems.

Comme le Livre intitulé : les Gestes des Francs, n’a été composée qu’après l’année sept cens vingt, je n’en ferois point ici une nouvelle mention, s’il n’étoit pas une espece d’abregé & de continuation de Grégoire de Tours. On peut dire, & de la capacité de son Auteur, & des additions qu’il fait quelquefois, à l’Histoire qu’il abrege, tout ce que nous venons de dire de Frédégaire & de ses additions.

Quant aux ouvrages de ceux des Ecrivains Ecclésiastiques du cinquiéme siécle & du siécle suivant, qui n’ont pas voulu nous donner des Histoires générales ; mais seulement l’Histoire parti-

  1. Clio.