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loient point se laisser imposer de nouveau le joug qu’ils avoient secoüé. L’autre étoit de tirer les Visigots de l’Espagne, où il leur seroit trop facile de se cantonner et de fonder une monarchie entierement indépendante et formidable, pour les transplanter dans les Gaules, d’où il seroit plus aisé de les renvoyer un jour au-delà du Rhin. Tous les empereurs et tous ceux de leurs ministres qui ont été réduits par la malignité des conjonctures à employer les armes des rois barbares dans les provinces romaines, ont dû, s’ils avoient quelque prudence, songer continuellement aux moyens dont ils pourroient se défaire de ces hôtes, dans l’instant où l’empire cesseroit d’avoir besoin de leur épée.

Quand j’ai dit qu’en quatre cens dix-neuf les Visigots furent mis de nouveau en possession des quartiers qu’ils avoient dans les Gaules, avant qu’ils allassent en Espagne, je n’ai point prétendu dire qu’on les eût remis en possession précisément des mêmes lieux, et sur-tout de la ville de Narbonne, ni des autres villes, dont ils pouvoient s’être rendus maîtres dèslors contre la teneur de leurs conventions avec les Romains[1]. Nous verrons que ce fut long-tems après quatre cens dix-neuf, et seulement en quatre cens soixante et deux que les Visigots se saisirent de Narbonne pour la seconde fois. Ils n’y entrerent même pour lors, que comme ils y étoient entrés la premiere fois, c’est-à-dire, par surprise. En effet, plus on fait réflexion aux circonstances de l’établissement de la monarchie françoise, et de l’établissement des autres monarchies fondées durant le cinquiéme siecle sur les débris de l’empire romain, plus on est persuadé de la verité d’une observation que nous avoit déja fait plus d’une fois… elle est que les empereurs en donnant des quartiers à un corps de barbares dans le plat-païs d’une cité, ne prétendoient pas lui abandonner la souveraineté de ce district, ni même lui donner le droit de s’y ingerer en aucune maniere dans le gouvernement civil. Il paroît que les empereurs exceptoient ordinairement les villes capitales de la cité où ils donnoient des quartiers aux barbares, des lieux où ces barbares pourroient tenir garnison. C’étoit le moyen le moins mauvais d’assurer l’effet des conventions, qui probablement se faisoient dans ces conjonctures entre les barbares et les empereurs, et suivant lesquelles le senat de la cité où l’on avoit donné des quartiers, devoit demeurer en possession pleine et entiere de l’administration de la justice et de la police. Il se pouvoit faire néanmoins que l’empereur abandonnât dans le milieu des quartiers, dont il faisoit la concession

  1. Idatii Chr. ad an. 462.