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une entreprise ? Comment pouvoient-elles seulement vivre en paix les unes avec les autres ? On sçait quelle fut toujours la légereté des Gaulois, et avec quelle promptitude ils ont toujours eu recours aux armes. Je répondrai en appliquant à la république dont il est ici question, ce que dit Grotius de celle de Hollande : que c’étoit une république formée au hazard, mais que la crainte que tous ceux dont elle étoit composée, avoient du roi d’Espagne, ne laissoit pas de tenir unie et de faire subsister. La crainte que les Armoriques avoient des officiers de l’empereur et des barbares, aura donc fait aussi subsister durant un tems leur république, toute mal conformée qu’elle pouvoit être. Les cités qui la composoient auront bien eu souvent des démêlés entr’elles, mais elles auront fait ce que font les personnes embarquées sur le même vaisseau, qui s’accordent, ou plûtôt qui suspendent leurs contestations à l’approche d’une tempête, pour les recommencer, dès que le beau tems sera de retour. Voilà comment il a pu arriver que la conféderation des Armoriques ait subsisté durant quatre-vingt ans et plus, véritablement en perdant de tems en tems quelques-uns de ses associés.

D’ailleurs comme la république des Provinces-unies a dû en partie sa conservation aux diversions que le hazard ou leurs amis firent en sa faveur, et qui souvent mettoient le roi d’Espagne hors d’état de pousser la guerre contr’elle avec vigueur ; de même la république des Armoriques aura dû sa conservation aux guerres civiles, aux guerres étrangeres, et aux autres malheurs qui affligerent l’empire d’Occident pendant le cinquiéme siécle. Une courte exposition de ce qui s’y passa durant les quatre années qui suivirent immédiatement celle où les provinces qui composoient le commandement maritime, s’érigerent en république, fera voir que l’empereur ne fut point pendant tout ce tems-là, en état de songer à les réduire, et qu’elles eurent ainsi le loisir de donner une espece de forme à leur nouveau gouvernement, et le tems de l’accréditer.