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obtenu les provisions, par surprise. On aura peut-être avec fondement, imputé à la trahison, ou du moins à la négligence de ces officiers, les malheurs des Gaules, et principalement l’invasion de l’année quatre cens sept. Si nous n’eussions pas eu pour nos chefs, auront dit les factieux, des traîtres, des poltrons, ou des stupides, les Gaules qui ne manquoient ni de têtes, ni de bras capables de les bien défendre, ne seroient point devenuës la proye d’une multitude ramassée. Pourquoi le prince ne veut-il pas confier plûtôt son autorité aux gens du païs, qui connoissent de longue main ses forces, son foible et ses ressources, et qui ont tant d’intérêt à le conserver, que la remettre entre les mains de personnes d’un autre monde, souvent incapables des emplois que leur procure la faveur d’un courtisan en crédit, et toujours plus occupées du soin de s’enrichir, durant une administration passagere, que du soin de faire le bien d’un païs où elles ne sont pas nées, et qu’elles comptent même de ne plus revoir, dès qu’elles auront fait leur fortune à ses dépens ? Pour faire cesser les maux de la Gaule, il n’y a qu’à remettre ses forces entre les mains de ses enfans. Nous ne demandons à Rome ni argent, ni soldats. Qu’elle nous laisse seulement la liberté de faire un bon usage de nos hommes et de nos richesses. Dès que les deniers qui se levent dans notre patrie, ne seront plus maniés par des magistrats venus de Rome, dès que nos milices ne seront plus sous les ordres de géneraux qui ne les connoissent point, et qu’elles connoissent encore moins, il ne restera plus de barbares entre le Rhin et l’océan. Bien-tôt même nous serons en état de passer les Alpes, et d’aller noyer dans l’Arne et dans le Tibre les Visigots, qui menacent de près le Capitole. Nos ancêtres ont bien pû prendre Rome ; nous pourrons bien la délivrer des ennemis qui sont à ses portes. Enfin, à qui les Gaules obéissent-elles aujourd’hui ? à Constantin, à un tyran, dont le nom fait le plus grand mérite. Ce n’est point nous révolter contre l’empire, que de secouer le joug de cet usurpateur.

Nous verrons par plusieurs passages de Salvien, qui seront rapportés ci-dessous, que les concussions, et la mauvaise administration des officiers du prince, furent véritablement les causes de la conféderation des provinces Armoriques ; et nous verrons aussi par ces passages, et par ceux d’autres auteurs, que bien qu’elles se soient deffenduës, quelquefois les armes à la main, contre les officiers de l’empire, qui vouloient les re-