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commencement du mois d’octobre de l’année quatre cens neuf de Jesus-Christ, que nos barbares passerent les Pyrénées. Cette année-là de l’ére chrétienne, répond à l’année quatre cens quarante-sept de l’ére d’Auguste dont Idace s’est servi, parce que de son tems elle étoit en usage en Espagne, où l’on a même daté les actes et les événemens, en suivant cette époque, jusques dans notre quatorziéme siécle. Isidore de Seville dit que cet événement arriva dès l’année quatre cens quarante-six de l’ére d’Auguste, c’est-à-dire, dès l’année de Jesus-Christ quatre cens huit.

Comment se peut-il que deux auteurs qui ont été évêques l’un et l’autre en Espagne, et dont le premier a vêcu dans le cinquiéme siécle, et le second, dans le siécle suivant, se trouvent en contradiction sur la date d’un événement si mémorable et arrivé si peu de tems avant eux ? Je crois avoir trouvé un moyen d’expliquer d’où vient cette contradiction apparente, et de concilier Isidore avec Idace.

Comme le Pere Petau le prouve très-bien, l’ére d’Auguste ou l’ére d’Espagne, commençoit certainement avec l’année sept cens seize de la fondation de Rome[1], et elle étoit antérieure de trente-huit ans à l’ére de la naissance de Jesus-Christ, laquelle ne commence qu’avec l’an de Rome sept cens cinquante-quatre. Par conséquent Idace ne peut avoir fait commencer l’ére d’Espagne plutôt que l’an de Rome sept cens seize. Isidore ne peut l’avoir fait commencer plus tard. Il s’ensuit de-là, que si ces évêques different d’une année, en datant le même événement, il faut qu’ils different, parce que Idace aura compté par années courantes, au lieu qu’Isidore n’aura compté que par années révoluës. Dans cette disposition, Idace a dû dater de l’année quatre cens quarante-sept de l’ére d’Espagne, le même événement qu’Isidore ne date que de l’année quatre cens quarante-six, quoiqu’il calcule les tems relativement à la même époque qu’Idace.

Si cette conjecture mérite d’être reçûë, elle explique aussi pourquoi la date qu’Idace qui compte par années courantes, assigne à un certain événement, ne quadre point avec la date que donne à ce même événement Prosper, ou tel autre chronologiste qu’on voudra, qui en calculant les tems suivant l’époque tirée de la fondation de Rome, ou suivant l’époque tirée de la naissance de Jesus-Christ, aura compté par années révoluës. En remontant jusqu’à l’époque de l’un, et jusqu’à l’époque de

  1. Ration. temp. lb. 3. cap. 14.