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donnent le nom de Bagaudes, que ces révoltés ravageoient le plat pais, & qu’ils faisoient même des entreprises sur les Villes, il déclara Maximien Herculeïus son Collegue, en le faisant proclamer Empereur, & il l’envoya contre ces révoltés. » Ce que dit Aurelius Victor, en écrivant, que nos Bagaudes étoient assez puissans pour faire des tentatives sur les plus grandes villes, est confirmé par un passage du panégyrique d’Eumenius d’Autun prononça en l’honneur de Constantius Chlorus qui fut fait César sous l’empire de Maximien Herculeïus. Ce rheteur y dit que nos Bagaudes avoient voulu se rendre maîtres d’Autun, et que cette ville souffrit beaucoup de leurs hostilités.

Que signifioit le mot de Bagaude en langue gauloise, quelle étoit son étymologie ? Les anciens ne nous l’apprennent point. Il me paroît cependant que M Du Cange a raison, lorsqu’il le dérive de Bagad [1], qui en langue celtique signifioit l’attroupement, l’assemblée des habitans d’un païs, en un mot ce que nous appellons la commune en armes. Les Gaulois qui se révolterent sous l’empire de Diocletien, s’étant donné le nom de Bagaudes, comme un nom propre à marquer que leur parti n’avoit pris les armes que pour les interêts de la patrie : ce nom paroissoit honorable par lui-même, mais il ne laissa point de devenir odieux dans la Gaule, pour la raison que les premiers Gaulois qui l’avoient porté, l’avoient pris comme un nom de parti. Il aura donc été dans la suite le surnom ou le sobriquet que les sujets fideles y auront donné à tous ceux qui vouloient, sous divers prétextes secoüer le joug de Rome, et ne plus obéïr à l’empereur, et cela quelque puissant que fût leur parti, et quelque figure qu’il pût faire. On verra même que dans le cinquiéme siécle, le mot de Bagaude devint aussi en usage dans l’Espagne[2], et que les sujets fideles y appellerent de ce nom ceux de leurs compatriotes qui s’étoient révoltés contre l’empire. Ainsi l’on comprendra bien que Zosime, lorsque dans l’endroit de son histoire que nous avons rapporté, il parle des Bagaudes qui obligerent Sarus à capituler avec eux, entend parler des milices de celles des cités des Gaules, qui reconnoissoient pour empereur, Constantin, que cet historien qualifie de tyran. Quelques païsans attroupés n’auroient point été capables de faire tête à l’armée impériale qui venoit d’entreprendre le siege de Valence, et de l’obliger à faire avec eux une composition honteuse.

Arcadius mourut dans ces conjonctures, et il laissa l’empire

  1. Gloss. Med. Latinitatis.
  2. Voyez le Chap. 10 de ce Livre.