Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/261

Cette page n’a pas encore été corrigée

mais ils ne nous apprennent pas s’il n’y eut point d’actions de guerre en rase campagne, si personne ne se mit plus en état de faire tête à ces barbares dès qu’ils eurent une fois passé le Rhin, ou si les armées qu’on rassembla pour les leur opposer, furent toujours battuës.

Suivant les apparences, et il nous est permis ici de conjecturer, les barbares ne seront point venus, sans coup ferir, jusqu’aux Pyrénées. Quelque petit que fût le nombre des troupes que Stilicon avoit laissées dans les Gaules, quelque mauvaise que fût la répartition que Stilicon qui vouloit favoriser les barbares, avoit affecté de faire de ces troupes à l’entrée du quartier d’hyver de quatre cens six, il est impossible qu’il ne s’y soit point fait plusieurs rallimens. Des troupes réglées ne se dissipent point sur la nouvelle que l’ennemi a percé la frontiere. Ainsi les troupes Romaines, quoiqu’éparses dans les Gaules, à cause de la nouvelle maniere de faire le service et distribuées mal, à dessein, se seront néanmoins ralliées les unes avec les autres. Elles se seront mises en corps d’armée derriere les fleuves, et les habitans du païs qui avoient leurs foyers à défendre, auront mis en campagne leurs milices. Si quelques officiers dévoüés à Stilicon ont trahi leur patrie, d’autres lui auront été fideles. On se sera rallié encore après avoir été battu. Tandis que les barbares campoient devant une place, les Romains auront formé un nouveau camp sous une autre. Les gens du païs auront dressé des embuscades à ces étrangers, et les étrangers sont ordinairement battus dans les rencontres par les habitans du païs où la guerre se fait, même lorsque ces habitans ont accoutumé d’être défaits dans les batailles rangées.

Lorsque l’empereur Charles-Quint voulut faire en mil cinq cens trente sept une invasion dans le royaume de France, il commença son expédition par le siége de Fossan. Cette ville est du Piémont, mais les François la tenoient, et l’empereur ne vouloit pas la laisser dans ses derrieres. Quand la place eut capitulé, Charles-Quint demanda au gouverneur, Monsieur De La Roche Du Maine, Combien de journées il pouvoit encore y avoir depuis le lieu où ils étoient jusqu'à Paris. A quoi ledit de la Roche répondit : que s'il entendoit dire, journées pour batailles , il pouvoit y en avoir encore une douzaine pour le moins , sinon que l'aggresseur eût la tête rompuë dès la premiere[1].

Sur ce pied-là les barbares ont dû donner dix batailles avant que d’avoir traversé le païs qui est entre le Rhin et les monts

  1. Memoires de Guill. de Bellay, liv. 6.