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cages, & se transplanter dans vos fertiles contrées, que même ils vous contraindront bientôt de cultiver à leur profit.

Voilà les attraits que les Gaules & les autres Provinces de l’Empire avoient pour nos Barbares qui manquoient (a) souvent & toujours de vin.

On peut donc juger de ce qui arrivoit en ces tems-là dans la Germanie, quand un audacieux y proposoit de faire une incursion au-delà du Rhin, par ce qu’on voyoit y arriver à la fin du seiziéme siécle, que les guerres de religion étoient fréquentes en France. Dès qu’un chef tant soit peu acrédité vouloit alors lever du monde en Allemagne, pour servir en France soit le parti des catholiques, soit le parti des huguenots, les lansquenets et les reitres venoient en foule se ranger sous son drapeau ou sous sa cornette, poussés à cela principalement par l’envie de piller et de boire abondamment du vin, qui pour lors étoit encore assez rare dans leur patrie, parce que les trois quarts des vignobles qu’on y cultive aujourd’hui, n’étoient point encore plantés. Voilà, je l’avouë, un motif bien grossier. Aussi je prétends seulement qu’il ait agi sur les soldats, et je ne disconviens point que les chefs, et même les officiers de nos cavaliers et de nos fantassins allemands, n’ayent eu des objets plus relevés.

Je reviens au cinquiéme siécle. Les barbares qui habitoient alors dans la Scythie, sur le Danube, et dans la Germanie, étoient tous belliqueux. Il est seulement vrai de dire que les uns l’étoient plus que les autres : d’ailleurs que pouvoient-ils gagner lorsqu’ils se faisoient la guerre ? Quelque bétail, quelques esclaves, et une petite provision des vivres les plus grossiers. Le vainqueur ne sçauroit profiter que des biens que les vaincus ont à perdre. Ainsi quand une de ces nations barbares portoit la guerre dans le païs d’une autre, c’étoit proprement un corsaire qui attaquoit un corsaire. Mais quand elle pouvoit mettre le pied sur le territoire de l’empire, elle y trouvoit toute sorte de biens, et sur tout de l’or et de l’argent, dont le prix n’étoit que trop connu des peuples les moins civilisés. Le Germain le connoissoit dès le tems des premiers Césars, et il l’avoit appris dans les traites qu’il faisoit avec les Romains, lorsqu’il échangeoit ses bestiaux, la seule chose dont il pût faire commerce, contre du vin ou de l’huile. Les Germains aujourd’hui si habiles dans les arts mécaniques, et qui remplissent de leurs ouvrages l’Europe