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gereuse leur a été portée par les Européans.

Enfin, les Romains avoient si bien connu par une longue expérience, que le motif principal des incursions que les barbares faisoient dans les Gaules et dans l’Italie, étoit l’envie de se gorger de vin, comme de se rassasier des fruits qu’on y cultivoit, et qu’on n’avoit pas chez eux, que les derniers empereurs firent tout leur possible pour faire oublier aux barbares le goût de ces choses-là. Ces princes firent prohibition par des loix expresses à tous leurs sujets de transporter dans les pays étrangers, sous quelque prétexte que ce fût, du vin, de l’huile, ni aucune sauce ou assaisonnement préparé. Quoique les Etats abondans en denrées ne demandent pas mieux que d’en faciliter la traite à leurs voisins, néanmoins les Romains, loin de favoriser l’extraction des leurs, avoient jugé à propos de la deffendre, tant ils craignoient que les barbares ne prissent trop de goût pour ces denrées, et qu’ils n’en vinssent chercher l’épée à la main quand ils n’auroient plus de quoi en acheter. Les bêtes carnassieres qui ont goûté du sang chaud, attaquent les animaux vivans, avec bien plus d’ardeur, que celles qui n’en connoissent point la saveur.

Céréalis, un des generaux de l’empereur Vespasien, dit, en parlant aux sénateurs de Langres, et à ceux de Tréves, qui durant la guerre de Civilis, avoient appellé à leur secours les Germains : » Ce n’est point pour mettre l’Italie en sureté que nous avons établi tant de postes, & fortifié des camps le long du Rhin. C’est dans la crainte qu’un Roi Barbare, qu’un nouvel Arioviste ne se fasse le tyran des Gaules. Vous figurez-vous que Civilis, ses Bataves, & les peuples d’au-delà du Rhin qui sont ligués avec lui, ayent plus d’amitié pour vous que leurs ancêtres n’en avoient pour les vôtres, & qu’ils viennent jamais dans les Gaules uniquement à dessein de vous secourir ? Toutes les fois qu’ils y mettront le pied, ce sera pour satisfaire leur avidité & leur gourmandise qu’ils y viendront. Ce sera dans la vûë de s’emparer d’un pays meilleur que celui qu’ils habitent, ce sera pour sortir de leurs déserts & de leurs maré-