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en campagne, s’avança jusqu’au Rhin la frontiere des Gaules, afin de renouveller suivant l’usage, les anciens Traités d’alliance avec les Rois des Francs, comme avec les Rois des Allemands, & de donner ainsi à connoître aux Nations Sauvages qu’il avoit à la disposition une armée innombrable. » Les Romains appelloient probablement, les nations sauvages, celles des nations barbares avec lesquelles ils n’avoient encore fait aucun pacte ni convention ; au lieu qu’ils appelloient les nations alliées, celles de ces nations avec lesquelles ils avoient des traités qu’on rompoit bien de tems en tems, mais qu’on renouvelloit de même. Paulin de Milan, en parlant de l’expédition d’Arbogaste contre les Francs, de laquelle il vient d’être fait mention, observe qu’Arbogaste y fit la guerre contre la nation des Francs dont il étoit.

Le quatriéme des moïens que les Romains mettoient en œuvre pour empêcher que les Francs ne commissent des hostilités, c’étoit d’en transplanter de tems en tems, comme on l’a déja dit, des peuplades dans le territoire de l’empire, où ils leur donnoient des habitations. La sortie de ces essains hors de l’ancienne France devoit avoir deux bons effets. Le premier étoit de tirer ces colons de la triste nécessité de se faire brigands pour subsister ; et le second, c’étoit de mettre les Francs qui restoient dans leur patrie, en état d’y vivre plus commodément. Un païs qui n’est point capable de nourrir trois mille hommes, en nourrit très-bien deux mille. D’ailleurs, les peuplades dont nous parlons, étoient encore avantageuses à l’empire par une troisiéme raison : on ne leur donnoit point des terres qui fussent actuellement cultivées, mais des terres abandonnées, et qu’elles mettoient en valeur au grand avantage de l’Etat, puisqu’elles y étoient soûmises aux charges publiques, et tenuës d’obéir aux officiers du prince, ainsi que les autres sujets. Nous avons rapporté, en parlant des létes, un passage du panégyrique de Constantius Chlorus par Eumenius[1], dans lequel l’auteur après avoir loüé l’empereur Maximien sur les peuplades de Francs qu’il avoit établies dans le pays de Tréves, et dans celui des Nerviens, loüe Constantius d’avoir fait cultiver aussi par des laboureurs barbares ce qu’il y avoit de champs abandonnés dans la cité d’Amiens, dans

  1. Eum. in Panegyr. Const. c. 21.