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sent mieux mener la vie d’un soldat qui sert dans des troupes réglées, où il subsiste honorablement de sa paye et où il monte de grade en grade, que de faire le métier de brigand, ou de vieillir sous une chaumiere dans les travaux rustiques. Ceux des Francs qui s’engageoient au service des Romains, n’étoient point certainement les plus mauvais sujets de la nation. Aussi en trouvons-nous plusieurs de parvenus aux premieres dignités de l’empire.

Quoique je ne commence mon histoire qu’à l’invasion des Gaules par les Vandales, je crois qu’on me pardonnera de rapporter ici de suite plusieurs évenemens arrivés dans les tems antérieurs, mais très-propres à mettre en évidence qu’il y avoit déja deux siécles quand Clovis commença son regne, que les Francs étoient en grande relation avec les Romains, et que par conséquent ils étoient dès lors accoutumés de longue main à vivre les uns avec les autres. Quand ce prince monta sur le trône, il y avoit déja deux cens ans que les Francs avoient avec les Romains les liaisons de commerce et d’alliance que les Suisses ont avec les François depuis le regne de notre roi Loüis XI. Je ne pense pas que celles des Francs avec les Romains ayent été plus souvent interrompuës que les autres.

On a vû que dès le tems de Diocletien, il y eut plusieurs familles de Francs, qui sous le bon plaisir des empereurs, s’établirent en differentes contrées de la Gaule, et c’est même parmi ces Francs qu’il faut chercher les Francs qui peuvent avoir été chrétiens avant le baptême de Clovis.

Mais pour ne pas remonter plus haut que Constantin Le Grand, il y avoit sous son regne plusieurs Francs qui portoient les armes dans les troupes de l’empire. Ammien Marcellin parle d’un Bonitus Franc de nation, qui servoit en qualité de tribun sous cet empereur lorsqu’il faisoit la guerre à Licinius. Silvanus fils de ce Bonitus servoit aussi les Romains dans les Gaules, et il y fut tué dans le tems que Julien y commandoit. Suivant les apparences, Magnence qui fut proclamé empereur en l’année trois cens cinquante, et son frere Decentius qu’il fit César, étoient de cette même nation. Quand Julien eut fait une convention avec les Saliens, il enrôla un grand nombre de Francs qu’il fit même entrer dans les légions. Plusieurs des dignités de la cour imperiale étoient alors possedées par des Francs.