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exposer en tentant quelque entreprise, lui paroissent des inconvéniens, mais non des obstacles. On croiroit que nos Saxons ayent vû la mer à sec, tant la connoissance qu’ils ont de tous ses bancs & de tous ses écueils, est précise ; l’Océan d’ailleurs n’a point de danger avec lequel ils ne soient, pour ainsi dire, familiarisés. Une tempête horrible augmente leur confiance, & c’est en se félicitant les uns les autres de ce que le Ciel leur accorde un tems si propre à rassurer contre la crainte d’une descente, le Pais qu’ils veulent surprendre & saccager, que nos Saxons luttent contre les ondes en fureur. »

Enfin, les exemples nous aprennent que des pirates qui font la guerre pour leur propre compte, et qui doivent partager entr’eux tout le butin, sont capables de tenter et d’exécuter des entreprises qui paroîtroient excessivement témeraires à des flottes montées par des matelots et par des soldats à gages, et qui ne doivent avoir qu’une petite part au pillage, parce que tout le profit de la guerre doit être pour le souverain qui les paye. Croit-on que des troupes reglées eussent jamais fait les expéditions que firent contre les Espagnols à la fin du dernier siécle, les flibustiers d’Amerique, si ces troupes avoient été en aussi petit nombre que l’étoient ces pirates ? Mais tout devenoit possible aux flibustiers animés par l’esperance de partager entr’eux, suivant leur charte-partie, tout le butin qu’ils pourroient faire.

Je reviens aux Saxons. Quelle expédition pouvoit paroître impossible à des flottes composées de bâtimens si legers qu’ils pouvoient aborder par tout, et si hardis qu’ils tenoient la mer aussi fierement que les gros vaisseaux, qui pour lors avoient peu d’avantage sur les petits bâtimens ?

Avant l’invention de l’artillerie, les gros vaisseaux ne pouvoient point avoir sur les petits la même supériorité qu’ils ont aujourd’hui. Cette supériorité de nos grands vaisseaux sur les petits, vient de ce que les premiers étant plus forts de bois, sont plus difficilement endommagés par l’artillerie des autres, et de ce qu’ils endommagent plus aisément les petits bâtimens qui sont moins épais. D’ailleurs, les gros vaisseaux portant une artillerie plus nombreuse et d’un plus gros calibre, que celle des petits vaisseaux ; ces derniers ne sçauroient demeurer sous le feu des autres, au lieu que les grands souffrent peu sous le feu des petits. Mais lorsque les combats de mer se faisoient à coup de pierres, à coup de flêches, ou à coups de main, la grosseur d’un vaisseau qui le rendoit moins propre à maneuvrer que les petits vais-