Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/208

Cette page n’a pas encore été corrigée

ci : ce que disent les historiens concernant le nombre d’une certaine nation barbare, ne conclut que pour le tems même dont parlent ces auteurs, et ne prouve point que dix ans auparavant, ou que dix ans après, ce nombre eût été, ou fût encore le même. La multitude des hommes de chaque nation dépendoit de ses succès et de ses disgraces. La nation florissante s’augmentoit subitement, parce que d’autres barbares abjuroient leur propre nation pour se faire adopter dans celle-là, qui de son côté naturalisoit, pour ainsi dire, volontiers les étrangers, parce que plus une nation étoit nombreuse, plus elle devenoit puissante. Voici un exemple convainquant de cette sorte de transmigration des citoïens d’une nation dans une autre nation.

Procope observe, en parlant de la guerre que l’empereur Léon fit vers l’année quatre-cens soixante et seize aux Vandales qui s’étoient rendus maîtres de l’Afrique, que cette nation s’étoit beaucoup multipliée depuis sa conquête. » Les Vandales, y dit notre Historien, lorsqu’ils passerent en Afrique en quatre-cens vingt-sept, ne faisoient que cinquante mille hommes, même en comprenant dans ce nombre les Alains qui s’étoient joints avec eux. Mais lorsque Léon attaqua cinquante ans après les Vandales, ils étoient en un nombre bien plus grand, soit parce qu’ils avoient multiplié, soit parce que plusieurs autres Barbares avoient renoncé à leur Nation pour se faire de la Nation Vandalique. Tous ces Barbares s’étoient transformés en Vandales ; même les Alains qui étoient venus en Afrique comme leurs Alliés, s’étoient incorporés avec eux. » Les barbares dont je viens de parler, et les Alains s’appelloient aussi-bien vandales que les Vandales d’extraction. Procope ne dit point précisement dans cet endroit-là en quel nombre étoient alors les Vandales d’Afrique ; mais il écrit dans un autre endroit de ses ouvrages, que lorsque Justinien conquit l’Afrique sur eux, environ soixante ans après[1] la guerre entreprise par Léon : ces Vandales étoient au nombre de cent soixante mille hommes portant les armes, c’est-à-dire, sans compter les femmes, les enfans et les esclaves. Quelle multiplication en si peu d’années !

  1. En 434.