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En effet la soye étoit alors d’un prix excessif, par rapport au prix qu’elle vaut aujourd’hui. Il falloit encore sous l’empire d’Aurelien[1], une livre d’or pésant, pour payer une livre de soye. Sous l’empire de Justinien, la livre de soye de douze onces, ne valut plus que huit sols d’or, c’est-à-dire, environ six-vingt livres de la monnoye qui a cours aujourd’hui[2]. Une si grande diminution dans le prix de la soye, venoit de ce que sous le regne de ce prince, les Romains d’Orient avoient appris la maniere d’élever les vers à soye[3], et de faire du fil avec le travail de ces insectes. Voilà, suivant l’apparence, ce qui l’engagea à la taxer du moins à ce prix-là.

Quant aux marchandises et denrées dont l’extraction étoit permise aux nations amies, elles ne payoient aucun droit à la sortie des terres de l’empire. Il n’est pas nécessaire qu’un Etat ait fait déja de grands progrès dans la politique, pour sçavoir, qu’en général il ne peut trop favoriser l’extraction de ses denrées et de ses marchandises. On ne peut, sans se declarer à demi-barbare, manquer à cette maxime de gouvernement.

Comme il y avoit des marchandises qu’il étoit défendu d’introduire dans l’empire, il y en avoit aussi d’autres dont l’extraction étoit prohibée. Il y avoit déja long-tems lorsque la loi que nous venons de citer, et qui est de la fin du quatriéme siécle, fut publiée, que les Romains avoient défendu de transporter dans les païs étrangers de l’or, des esclaves qui eussent certains talens, et des armes tant offensives que défensives ; cette derniere prohibition a même été souvent renouvellée par nos premiers rois. Nous verrons encore en parlant des motifs qui engageoient les barbares à faire si fréquemment des incursions sur le territoire de l’empire, quoique ces expéditions fussent très-périlleuses, que les empereurs avoient défendu de leur vendre du vin, ni de l’huile, ni des sauces composées, et cela pour leur ôter, s’il se pouvoit, la connoissance de ces denrées. Les magistrats qui délivroient des passeports aux vaisseaux qui alloient trafiquer sur les côtes des païs étrangers, étoient

  1. En 270.
  2. En 1738.
  3. Pho. Bib. Cod. 64.