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leurs les especes d’or, frapées avec l’effigie de ces princesses pesoient beaucoup plus que les especes d’or frapées depuis Constantin Le Grand, qui étoient alors les especes les plus communes, et celles dans lesquelles on contractoit. Le procédé des exacteurs étoit donc doublement injuste, et l’on ne doit pas être surpris que Majorien condamne au dernier supplice ceux qui commettroient à l’avenir l’espece de concussion réprimée par son édit. Elle étoit aussi onereuse aux peuples, que l’auroit été en France avant l’année mil six cens quatre-vingt-neuf, tems où les écus d’or furent mis hors de tout cours, la vexation d’un receveur des tailles qui auroit voulu que les collecteurs ne l’eussent payé qu’en écus d’or frappés au coin de Loüis XII ou de François I. Quoiqu’il y eût encore alors quelques-unes de ces espéces dans le commerce, elles y étoient en si petit nombre qu’il auroit fallu presque toujours composer avec lui et convenir d’une évaluation payable en monnoye commune.

Je ne puis me refuser de faire à l’occasion de l’édit de Majorien, l’observation suivante, quoiqu’elle soit étrangere à l’histoire de l’établissement de la monarchie françoise. La raison la plus plausible qu’alléguent, pour soutenir leur opinion, ceux des sçavans qui ne croyent pas que les médailles romaines, que nous avons aujourd’hui, ayent été la monnoye courante dans les tems où elles ont été frappées, c’est de dire qu’il est sans apparence que les empereurs eussent souffert qu’on eût mis sur leur monnoye la tête seule de leurs meres, de leurs femmes et de leurs sœurs. Ainsi on conclut que des piéces d’or et d’argent qui ne portent point d’autre effigie que celle de ces princesses, n’ont été frappées que pour être de simples médailles, et par conséquent on veut aussi que les piéces d’or et d’argent où l’effigie des empereurs est empreinte, et qui sont de même titre et de même poids que les premieres, n’ayent été faites que pour être des pieces de plaisir. Véritablement les souverains sont si jaloux aujourd’hui de leurs monnoyes, qu’ils ne souffrent plus qu’on en frappe sans leur tête, ni même qu’on y mette d’autre tête avec la leur. Du moins cela n’arrive-t-il que dans les Etats où l’usage a introduit que durant les minorités on y mette sur la monnoye la tête de la régente avec celle du souverain. Mais il paroît en lisant l’édit de Majorien, que les Romains avoient pour les femmes une complaisance plus flatteuse, et que les Antonins avoient souffert qu’on mît la tête seule des