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seize Odoacer, l’un des Rois des Ostrogots, s’empara de Rome, & détruisit l’ancien Empire d’Occident. Celles des Provinces des Gaules, qui jusques-là étoient demeurées sous l’obéissance de l’Empereur, tomberent alors dans une espece d’Anarchie. D’un côté, elles ne pouvoient plus reconnoître Rome, dont Odoacer étoit maître absolu, pour leur Ville Capitale ; & d’un autre côté, l’Empereur des Romains d’Orient, dont elles s’avoüoient Sujettes, étoit trop éloigné d’elles pour les gouverner. A la faveur des troubles dont cette Anarchie fut cause, il y eut des Officiers Romains qui se cantonnerent, & qui firent alors la même chose que firent dans la suite les Ducs, les Comtes & les autres Seigneurs, qui sous les derniers Princes de la seconde Race de nos Rois, se rendirent les maîtres héréditaires des contrées, où ils ne commandoient qu’en vertu d’une commission du Souverain. On ne voit pas cependant que Childéric tout accrédité qu’il étoit alors, ait profité du renversement du Thrône d’Occident pour étendre ses quartiers, ou, si l’on veut, ses Etats. Quand il mourut en l’année quatre cens quatre-vingt-un, il ne laissa au Roi Clovis son fils & son successeur, qu’un très-petit Royaume, composé du Tournaisis & de quelques contrées adjacentes. Ce qui rendit le nouveau Roi des Saliens un Prince puissant, ce fut que peu de tems après son avénement au Thrône, on le revêtit de la dignité de l’Empire que son pere avoit exercée.

Clovis aussi prudent qu’il étoit ambitieux & brave, sçut si bien profiter des troubles & des désordres de la Gaule, qu’en trente ans de regne il se rendit maître des deux tiers de ce riche pays, sans se déclarer néanmoins ennemi de l’Empire. Il est vrai qu’il commença son aggrandissement par faire la conquête du Soissonnois, sur un Officier Romain qui s’en étoit rendu Seigneur. Mais l’expédition que Clovis fit en quatre cens quatre vingt-six contre Afranius Syagrius, (c’est le nom de cet Officier,) ne passa point parmi les Francs ni parmi les Romains pour une guerre de nation à nation, ni même pour un acte d’hostilité contre l’Empire. Ceux des Francs qui n’étoient ni Sujets, ni amis particuliers de Clovis, & ceux des Romains des Gaules qui ne reconnoissoient pas le pouvoir de Syagrius, demeurerent neutres durant cette guerre, qu’ils regarderent comme une querelle particuliere. Si quatre ans après Clovis se rendit entiérement le maître du territoire que la Ville de Tongres avoit pour lors, ce fut, suivant l’apparence, en obligeant les Barbares,