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me. En second lieu, il y avoit alors dans les Gaules, en supposant qu’elles fussent aussi peuplées qu’elles le sont aujourd’hui, un moindre nombre de citoïens, et par conséquent bien moins de personnes sujettes aux impositions, qu’il n’y en a présentement.

Suivant les calculs ausquels on ajoûte le plus de foi, le roïaume de France contient aux environs de treize millions d’ames, et les païs qui faisoient sous les empereurs une partie des Gaules, et qui ne sont pas aujourd’hui compris dans ce royaume, en contiennent encore à peu près quatre millions. Or suivant les principes de l’arithmétique politique, ou de l’art qui enseigne à suputer quel nombre de peuple se trouve dans un païs, quand on n’a point le dénombrement de ses habitans, il doit y avoir parmi les dix-sept millions d’ames dont nous parlons, quatre millions d’hommes, de veuves et d’autres chefs de famille, ou de personnes d’une condition à être imposées à une capitation de la nature de celle que les Romains levoient dans les Gaules, parce que, comme on vient de le dire, notre societé n’est composée que d’hommes libres. Mais dans le cinquiéme siécle, tems où la societé étoit composée d’hommes libres et d’esclaves, qui même étoient en beaucoup plus grand nombre que les hommes libres, il n’y avoit peut-être point parmi les dix-sept millions d’ames qui habitoient alors les Gaules, cinq cens mille chefs de famille ou citoïens de condition à être imposés à la capitation. Je supplie le lecteur de vouloir bien se souvenir de cette observation, parce qu’elle est d’un grand usage pour l’intelligence de l’histoire du cinquiéme siécle et du sixiéme. Elle fait concevoir entre autres choses, comment il étoit possible qu’un essain de barbares, dans lequel il n’y avoit souvent que quatre ou cinq mille combattans, se cantonnât, malgré les anciens habitans, dans une étenduë de païs, où il y a presentement quinze mille citoïens en âge de porter les armes, et qui ont en même tems assez d’intérêt à la conservation de l’état present de leur patrie, pour se bien défendre contre des hôtes fâcheux qui viendroient s’emparer d’une partie de leur bien. Mais dans cette même étenduë de païs, il ne se trouvoit pas, durant le cinquiéme siécle, deux mille citoïens, ou deux mille hommes qui eussent intérêt, et qui fussent disposés à faire la même résistance que quinze mille y feroient aujourd’hui.

Revenons à la capitation. Les Romains avoient imaginé, pour la rendre plus supportable, un expédient qui paroîtra bi-