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nombrement particulier. Le lecteur verra même dans mon dernier livre de nouvelles preuves qu’on en usoit ainsi.

Lorsque l’empereur vouloit faire une imposition ordinaire ou extraordinaire sur toute la monarchie, il pouvoit donc asseoir avec équité la somme dont il avoit besoin, en la repartissant, comme nous disons, au sol la livre, sur toutes les provinces dont il avoit sous les yeux les descriptions, et pour ainsi dire, la valeur. En effet, le tribut public avoit tant de connexité avec le recensement, il en paroissoit si bien une émanation, que le tribut public, c’est-à-dire, la taxe par arpent, et la capitation, sont désignées quelquefois par le mot census, non seulement dans les actes et dans les auteurs du cinquiéme siécle, mais encore dans les capitulaires de nos rois de la seconde race, ainsi qu’on le verra dans le sixiéme livre de cet ouvrage. Ces sortes de métonymies où l’on employe la cause pour l’effet, et l’adjoint pour le sujet, sont encore en usage, et ils l’ont toujours été, en parlant des impositions.

Il seroit inutile d’expliquer ici pourquoi les empereurs faisoient faire de tems en tems de nouvelles descriptions, soit de toute leur monarchie, soit de quelque province particuliere. Les changemens qui arrivent dans la fortune des sujets, et ceux qui surviennent dans la nature même des fonds de terre, rendent toûjours nécessaire, au bout de quelques années, la confection d’un nouveau recensement. On verra que cet usage avoit encore lieu sous nos rois mérovingiens.

Rapportons présentement ce que nous pouvons sçavoir concernant la taxe par arpent, et concernant la capitation.

La taxe par arpent, jugeratio, étoit donc une taxe proportionnée à la valeur du fonds, et plus ou moins forte suivant les besoins de l’Etat. Elle s’imposoit sur tous les arpens de terre, à qui que ce fût qu’ils appartinssent. Ainsi ceux qui joüissoient des terres domaniales se trouvoient payer deux redevances au prince, l’une comme au propriétaire du fond, et l’autre comme au souverain. C’est ainsi que les laboureurs qui ont pris à ferme des terres du domaine, payent en même-tems au roi le prix de leurs baux comme au propriétaire du fond, et la taille comme au prince.

Il étoit rare que les empereurs remissent la taxe par arpent ; par exemple, lorsque Theodose et Valentinien voulurent repeupler la Thrace, ils déchargerent bien pour