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Il suffit d’avoir une connoissance legere de l’histoire romaine pour ne pas ignorer que de tems en tems les empereurs faisoient faire un état général ou dénombrement du peuple, et que dans les registres de ce recensement, on inscrivoit province par province, cité par cité, le nom des sujets, et qu’à côté de chaque nom, il étoit fait mention de l’âge, de la condition, comme des biens et des facultés de celui qui le portoit. Je me sers ici du mot de recensement pour rendre celui de census, parce que la signification de celui de cens qui semble en être la traduction, a reçu de l’usage une signification si differente de census, qu’on ne sçauroit plus emploïer cens dans l’acception du mot latin dont il est dérivé.

Il est fait mention dans l’Evangile de deux de ces descriptions ou recensemens, dont la premiere qui étoit une description générale du monde romain, fut faite dans le tems de la naissance de Jesus-Christ[1]. L’autre qui étoit une description particuliere de la Judée[2], et dont la mémoire dut être long-tems récente dans cette contrée, à cause de la révolte et des maux dont elle y avoit été la cause, fut faite quelque tems après, et tandis que Quirinus étoit président de Syrie. L’usage étoit que les rôles de ces descriptions fussent rédigés dans chaque cité par les officiers du lieu, qui les faisoient approuver ensuite par le gouverneur de la province, après quoi ils étoient déposés dans ses archives comme des actes qui faisoient foi en justice. On envoïoit à l’empereur un double des rôles arrêtés par le gouverneur de chaque province. Dion raconte que Caligula ayant perdu une grosse somme d’argent au jeu, il se fit apporter la copie des registres du recensement des Gaules, pour repartir à son gré la perte qu’il venoit de faire, sur les sujets les plus riches de cette province lesquels il fit mourir et dont il confisqua les biens. Ce même historien nous apprend aussi que sous le regne de Commode le feu ayant pris au palais des Césars, il y eut une grande partie des archives de l’empire qui fut brulée. Nous avons déja dit qu’outre cela il se gardoit dans les registres particuliers de chaque cité, une copie autentique de son dé-

  1. Saint Luc, chap. 2.
  2. Jos. Ant. Jud. liv. 18. chap. 1.