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na, peut avoir le sens que nos auteurs modernes lui ont donné, et qu’il signifie un droit introduit dans les Gaules par les Romains, et qui étoit de même nature que le droit de tiers et danger. Les Romains auroient-ils négligé de s’aproprier un revenu aussi certain que celui qui se tire des bois, eux qui ont toûjours été si persuadés que la véritable richesse d’un Etat consiste dans la possession de biens en fonds, et de la nature de ceux qu’acquiert un pere oeconome quand il veut établir solidement sa famille : eux qui pensoient que les finances d’un souverain, quelqu’abondantes qu’elles paroissent, ne sont jamais qu’un torrent sujet à tarir en plus d’une occasion, tant qu’elles n’ont point pour leur source principale, le produit assuré des biens de cette nature ?

Si le droit de tiers et danger est si ancien dans les Gaules, comment se peut-il faire, dira-t-on, qu’il ne subsiste plus que dans la province de Normandie ? Je vais répondre. Les usurpateurs, qui sous les derniers rois carlovingiens s’emparerent, dans la plus grande partie du royaume, des droits et des revenus de la couronne, se seront aproprié le droit de tiers et danger dans les lieux où ils se cantonnerent ? Que sera-t-il arrivé ensuite ? En quelques païs, ces usurpateurs auront remis ce droit aux complices de leur révolte. En d’autres contrées, les successeurs des premiers usurpateurs l’auront laissé éteindre, parce qu’ils étoient trop foibles pour l’exiger. Mais il ne sera rien arrivé de pareil en Normandie, parce qu’aux tems où les désordres, dont je viens de parler, arriverent dans le royaume, cette province étoit déja sous la domination de ses ducs, seigneurs assez puissans pour conserver les droits régaliens que nos rois leur avoient cédés en la leur inféodant. Ils auront sçu maintenir et garder contre les usurpateurs du dixiéme siécle le droit de tiers et danger, comme ils ont maintenu et gardé contr’eux le droit de monnoyage. Or ç’a été sur ces ducs qui étoient encore devenus rois d’Angleterre, que nos rois ont pris, et réüni à leur couronne la Normandie, qui par consequent n’a jamais été sous un maître assez foible pour laisser perdre aucun de ses droits domaniaux. Voilà pourquoi le droit de tiers et danger n’y aura point été anéanti comme ailleurs.

Je conçois donc que ce droit aura été originairement la redevance d’un tiers du produit, moyennant laquelle la république romaine avoit concedé à des particuliers les Bois qui