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ne coûte pas autant, à beaucoup près, dans les païs chauds où l’on la fait monter sur des ormeaux, que dans nos contrées. Il est à croire que lorsqu’on planta autour de Paris les vignes dont Julien dit que cette ville étoit environnée de son tems, les Romains se contenterent d’exiger de ceux à qui l’on donnoit des terres en friche pour en faire des vignobles, une redevance moindre que la cinquiéme partie de la vendange.

Comme la moindre redevance que payoient les terres dont la propreté appartenoit à l’Etat, étoit un 10e de leur produit, je crois volontiers qu’on aura donné le nom général de dixiéme, à cette redevance, quoiqu’elle fût en plusieurs occasions beaucoup plus forte. En effet nous venons de voir qu’elle étoit d’un cinquiéme du produit des arbres fruitiers et des plantes qu’il ne faut point renouveller chaque année. Mais on avoit voulu désigner la redevance dont nous parlons, par le nom le moins odieux qu’on put lui donner, et on avoit appellé généralement agri decumani, ou champs sujets à la dixme, des champs dont une partie étoit chargée réellement de payer le cinquiéme de son produit. Encore aujourd’hui, le mot de dixme qui signifie originairement le dixiéme, se donne quelquefois à des redevances ou plus fortes ou moins fortes que le dixiéme.

Quoiqu’Appien ne dise point que la république n’affermoit pas toutes les terres en valeur qu’elle s’approprioit par droit de conquête, et qu’elle en gardoit une partie pour la faire valoir à ses frais, et à son profit, la chose ne laisse point d’être véritable. On voit et par l’histoire romaine, et par plusieurs loix des empereurs, que l’Etat avoit beaucoup de métairies dont les terres étoient cultivées par des esclaves à lui, et dont tous les fruits lui appartenoient, ainsi qu’ils appartiennent au particulier proprietaire d’un héritage qu’il fait valoir par ses mains. Les empereurs faisoient encore nourrir dans ces métairies fiscales des haras et d’autres troupeaux, et suivant l’apparence, c’étoit avec les fruits qui s’y recueilloient qu’on faisoit vivre les personnes qui travailloient dans les manufactures et dans les atteliers publics. Ainsi comme la plûpart de ces ouvriers étoient des esclaves qui ne gagnoient pas de gages, et comme ils étoient nourris par d’autres serfs qui cultivoient les terres des métairies domaniales, l’entretien des manufactures et des atteliers publics ne coûtoit pas, à beaucoup près, autant que valoient les armes, les machines de guerre, les ustenciles, les toiles et les étoffes qui s’y fabriquoient. Si toutes ces choses ne se vendoient