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l’empire s’augmentoit. On n’avoit donné d’abord des terres à ces peuplades indépendantes des officiers civils, et qui faisoient un Etat dans un autre Etat, que dans les extrémités des provinces de l’empire. Ensuite l’on fut obligé de souffrir qu’elles en prissent dans l’intérieur des Gaules, et même dans l’Italie. On fut obligé, par exemple, pour sauver une partie des Gaules, d’en délaisser une portion aux Bourguignons et à d’autres barbares, qui s’en étoient emparés par force, et qui malgré l’empire se firent ses troupes auxiliaires. Il devoit être bien dur aux empereurs de souffrir dans le sein de l’Etat, des peuplades qui faisoient un corps politique indépendant à plusieurs égards de l’autorité impériale, et dont le séjour rendoit même précaire le pouvoir qu’elle conservoit sur les Romains du païs où ces peuplades s’établissoient. Mais, comme nous le verrons en parlant du progrès des colonies de ce genre, qui font le principal sujet de cet ouvrage, les conjonctures devinrent telles que les empereurs étoient souvent réduits à prendre le parti le moins mauvais. Le pouvoir des conjonctures obligea Rome, qui avoit autrefois envoyé tant de colonies s’établir sur le territoire des barbares, à recevoir des colonies de barbares sur le sien.

Les barbares, dont il est ici question, prirent le nom d’ hôtes de l’empire et c’est ainsi qu’ils se qualifient eux-mêmes dans leurs loix nationales. Le mot d’ hôte qui ne signifie parmi nous que celui qui loge un autre, ou celui qui loge chez un autre souvent à prix d’argent, avoit une acception bien plus noble chez les romains. On le donnoit aux personnes qui bien qu’elles ne demeurassent point dans le même lieu, étoient jointes néanmoins d’une amitié si étroite, qu’elles avoient droit de loger reciproquement l’une chez l’autre. Ce qui rendoit encore le nom que prenoient nos barbares, plus favorable, c’est que dès le tems du haut-empire les légions et les cités où elles avoient leurs camps, se traitoient d’ hôtes, et il étoit d’usage qu’elles s’envoyassent la figure de deux mains jointes ensemble, pour marque de leur amitié. Les barbares des peuplades établies dans le milieu du territoire de l’empire, ne pouvoient donc faire mieux que de s’arroger le titre d’ hôtes de l’empire. C’étoit un nom connu avec lequel le peuple de la monarchie étoit déja familiarisé.

Les tems devinrent mêmes si difficiles, que les