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faire aux barbares ou déja engagés dans son service, ou qu’il y vouloit attirer, des conditions qui lui étoient encore bien plus onéreuses, et qui porterent des coups mortels à ce corps politique dont les forces se trouvoient bientôt épuisées, par les maux et par les remedes.

Il paroît donc que sous le regne d’Honorius il arriva deux choses ; la premiere, c’est que l’état malheureux où tomberent les affaires de l’empire, empêchant le gouvernement de pourvoir à la subsistance des troupes auxiliaires, comme de leur tenir tout ce qu’on leur avoit promis, ces troupes se mutinoient et se cantonnoient dans une certaine étenduë de païs. Elles s’en emparoient comme d’un nantissement qui leur répondoit des arrerages de leur solde, de la sureté de leur récompense, en un mot de tout ce qui pouvoit leur être dû par l’empire. Elles se conduisoient en ces occasions comme les terces ou les régimens d’espagnols naturels qui servoient leur roi dans les guerres du Païs-Bas, en usoient à la fin du seiziéme siécle, lorsqu’ils n’étoient point payés. Ils se mutinoient, et après s’être choisi des chefs, ils s’emparoient ou d’Alost, ou d’autres places, et sans cesser pour cela de faire la guerre contre les ennemis de leur maître, ils gardoient le païs dont ils s’étoient saisis comme un païs de conquête, qu’ils ne remettoient à leur souverain, qu’après qu’il leur avoit donné satisfaction sur leurs demandes.

En second lieu, le désordre des affaires de la monarchie qui devenoit plus grand de jour en jour, et qui la mettoit souvent dans l’impuissance de faire les dépenses nécessaires pour lever dans un païs étranger des troupes auxiliaires, dont il avoit un besoin pressant, le réduisirent à traiter avec les rois barbares, et si j’ose parler ainsi, à les prendre eux et leurs peuples à son service. Ces princes passoient donc à la tête de toute la tribu sur laquelle ils regnoient, au service de l’empire, qui leur assignoit pour leur subsistance des quartiers stables dans un certain païs, avec la permission d’y vivre suivant la loi de leurs ancêtres, et dans l’indépendance de ses officiers civils. Ces colonies n’avoient à répondre qu’aux officiers militaires de l’empire qu’elles s’engageoient à servir. Une des premieres conventions de cette nature-là[1], dont j’aye connoissance, est celle que fit Honorius avec plusieurs tribus de la nation scythique et de la nation gothique après la prise de Rome par Alaric. Nous rapporterons dans la suite plusieurs passages des auteurs anciens qui serviront de preuves à ce qui vient d’être avancé.

Le mal s’accrut à proportion que le désordre des affaires de

  1. Procop. Bell. Goth. lib. 1. c. 1.