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core naturalisés. Ainsi l’on pourroit en traduisant, rendre les francs létes et les bataves létes, par les Francs et par les Bataves naturalisés et domiciliés dans l’empire.

Quant au passage de Zosime, sur lequel les auteurs qui ont cru que nos létes fussent un peuple particulier, se sont fondés, il se peut très-bien interpréter en suivant mon opinion. Le voici. Zosime dit, en parlant du tyran Magnence : « Il étoit d’origine étrangere, et il avoit vêcu parmi les létes, nation gauloise. » Mais le mot grec etnos dont se sert Zosime, et que j’ai rendu ici par celui de nation, en me conformant à la version latine, ne signifie pas toûjours un peuple particulier. Il signifie encore quelquefois une societé, une condition, un état, un ordre de citoïen, et suivant l’aparence Zosime l’aura employé dans une de ces dernieres acceptions. Cet historien n’aura donc voulu dire autre chose, si ce n’est que Magnence avoit été d’abord au nombre des létes qui servoient dans les Gaules. On verra, lorsqu’il sera question de l’invasion d’Attila dans les Gaules, un passage de Jornandés qui parle de ces létes, et qui favorise encore notre opinion.

Les barbares qui servoient dans les troupes auxiliaires parvenoient aux premieres dignités de l’empire, comme nous aurons occasion de le dire plus d’une fois. Leurs fils nés dans son territoire étoient-ils réputés Romains pour cela ? Je ne le crois point. C’étoit le sang dont on sortoit, et non pas le lieu où l’on étoit né qui décidoit alors de quelle nation on devoit être reputé citoïen. Le fils d’un Franc, bien qu’il fût né à l’ombre du Capitole, étoit réputé Franc, et le fils d’un Romain étoit réputé Romain, quoiqu’il fût né sur les bords du Rhin. C’est de quoi nous parlerons plus amplement dans la suite. D’ailleurs nous verrons que la postérité des Teifales établis dès le commencement du cinquiéme siécle dans le Poitou, et que celle des Saxons établis dès le commencement du cinquiéme siécle dans le païs Bessin, étoient encore réputées une nation barbare au milieu du sixiéme siécle. Elles y faisoient toûjours chacune un peuple à part, et qui n’étoit point encore confondu avec les anciens habitans du païs, c’est-à-dire, avec les Gaulois devenus des Romains.

Voilà quelles étoient les troupes auxiliaires que l’empire entretenoit dans les premieres années du cinquiéme siécle ; mais les nouvelles disgraces qu’il essuya bientôt après, le reduisirent à