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qu’ils avoient été leurs éleves dans l’art militaire, la raison d’état devoit bien empêcher l’empire dans le quatriéme siécle, de souffrir dans ses camps des corps entiers d’étrangers qui pouvoient d’un jour à l’autre devenir ses ennemis ? Ne devoit-on pas prévoir aussi, ce qui est arrivé dans tous les tems, ce qui arriva pour lors, et ce qui arrivera toujours ; c’est qu’en faisant connoître à des barbares un païs meilleur que leur patrie, on leur fait venir l’envie de l’occuper. Ne devoit-on pas faire réflexion que la superiorité que donne sur l’ancien habitant de ce païs-là, un corps plus robuste et plus capable de fatigue que le sien, en rend nos barbares les maîtres dès que cet avantage n’est plus balancé par une plus grande connoissance de l’art de la guerre. Mais Constantin et ses successeurs auront peut-être regardé cette milice barbare comme un des freins dont il falloit se servir pour retenir les troupes romaines dans la soumission, et les empêcher de proclamer de nouveaux empereurs. D’ailleurs, on ne trouvoit plus, quand il falloit lever la quantité de troupes dont on avoit besoin, un nombre suffisant de Romains qui voulussent bien s’enrôler. Nous avons vû que dès le quatriéme siécle on forçoit quelquefois les fils des véterans d’entrer dans le service, et nous verrons qu’il falloit souvent contraindre les communautés à fournir des hommes pour recruter les troupes romaines.

Quoiqu’il en ait été, il faut que les conjonctures qui donnerent lieu à introduire un usage aussi notoirement pernicieux que celui d’entretenir des corps de troupes composés d’étrangers, ayent été bien pressantes. Mais il survient quelquefois des occasions où l’on ne sçauroit sauver un Etat sans aller contre les maximes fondamentales du gouvernement. Telle aura été la conjoncture qui aura fait lever le premier corps de troupes étrangeres que les Romains ayent entretenus. D’autres conjonctures en auront fait lever un second. Enfin cet abus qu’on aura excusé par la raison qu’il falloit ménager le sang des sujets, et par celle qu’il valoit encore mieux que les barbares voisins du territoire de l’empire portassent les armes pour les Romains que contr’eux, se fortifia à un tel point, qu’il devint plus dangereux d’entreprendre de le changer, que de continuer à le souffrir.

Il y eut même des empereurs qui marquerent beaucoup plus de confiance et d’amitié aux troupes étrangeres qu’aux