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empereur après avoir exercé heureusement les plus grands emplois, n’avoit eu qu’un regne malheureux et troublé sans cesse, soit par des séditions populaires, soit par les révoltes des alliés ou des soldats.

Procope écrit au sujet de quelques érules : qu’ils entrerent au service de l’empire, et qu’ils furent enrôlés parmi les barbares qu’on nommoit les alliés ou les confederés.

On peut consulter encore sur la signification qu’avoit le mot faederati dans le cinquiéme siécle et dans le sixiéme, le glossaire de Monsieur Du Cange. On y trouvera plusieurs autres passages qui font foi que ce mot avoit alors l’acception que nous lui donnons. Je me contenterai donc d’ajouter ici que faederatus, qui veut dire en general celui qui est lié avec un autre par quelque traité de conféderation, avoit si bien été restraint à signifier spécialement les barbares qui servoient dans les armées de l’empire, qu’il étoit devenu leur nom propre et particulier. Aussi voyons-nous que les auteurs grecs qui ont écrit dans ces tems-là ne rendent point faederatus par un mot de leur langue qui signifie la même chose. Ils ne le traduisent point, et ils se contentent de lui donner une terminaison greque, en usant à son égard comme on en use à l’égard des noms propres des provinces, des peuples et des rivieres[1].

Rien n’a tant contribué à la ruine de l’empire romain que cet usage de prendre des étrangers à la solde de l’Etat. Il est vrai que dès le tems des premiers Césars, on tenoit dans Rome même un corps de Germains, destinés à la garde de la personne du prince. Mais ce corps étoit peu nombreux, et d’ailleurs rien n’empêche de croire qu’il ait été composé des Germains qui habitoient dans les Gaules, et qui étoient sujets de l’empire.

En effet, lever des corps de barbares, et les faire servir dans une armée romaine, n’étoit-ce pas leur enseigner ce qui avoit rendu les Romains les maîtres du monde, je veux dire, la discipline militaire et l’art de la guerre ? Si l’empire encore florissant s’étoit trouvé si mal de les avoir enseignés à des peuples domptés, mais non point encore assujettis, s’il avoit eu tant de sujet de se repentir d’avoir laissé servir dans ses troupes Arminius, Civilis, et quelques autres révoltés célebres, qui ne battirent les Romains que parce

  1. Procop. de Bello Vand. lib 1 cap. 19. de Bello Goth. lib 3. Olympios apud Photium pag 117.