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lement l’Empire tenoit à sa solde des corps de troupes composés de Francs, & dont les Officiers étoient avancés aux grades les plus éminens de la Milice Romaine, mais il leur faisoit encore de tems en tems des presens qui peuvent bien avoir été un subside reglé. Rome, qui dans ses beaux jours assujettissoit à un tribut les Nations qu’elle dédaignoit d’asservir, se vit réduite sous les Empereurs à payer aux Barbares ses voisins les mêmes contributions qu’elle avoit souvent exigées de leurs ancêtres. Sous le regne de Caracalla, il lui en coûtoit autant pour le payement de ces tributs humilians, que pour donner la solde à ses troupes. En un mot, l’Empire traitoit les Francs depuis leur établissement sur le Rhin, comme s’ils eussent été ses Sujets naturels. Nous verrons même que dès le quatrieme siecle il donna des terres dans plusieurs Provinces des Gaules à differens essains de Francs, veritablement à condition qu’ils y vivroient en fidelles Sujets de la Monarchie Romaine, qu’ils seroient soûmis à ses loix, & qu’ils obéiroient à ses Officiers, tant civils que militaires.

Il arrivoit bien de tems en tems qu’une des Tribus des Francs ou qu’un nouvel essain échappé de plusieurs de ces Tribus, exerçoit des actes d’hostilité contre les Romains, soit en faisant des courses dans les Gaules, soit en y occupant, tantôt sous un prétexte & tantôt sous un autre, quelque canton de pays. Mais le gros de la Nation ne prenoit point ordinairement le parti des agresseurs. Il les désavoüoit, & l’on vit dans plus d’une occasion les Francs observateurs des Traités, porter les armes pour le service de l’Empire, contre les Francs qui les avoient enfreints. Aussi toutes les tentatives que firent avant le cinquiéme siecle differentes bandes de Francs attroupés, pour se cantonner dans les Gaules, en s’y rendant maîtres de quelque coin de pays où ils pussent vivre dans l’indépendance de l’Empire, furent-elles infructueuses. Ou ces audacieuses Colonies se virent forcées à repasser le Rhin, ou elles furent réduites à s’avoüer Sujectes de l’Empire, & à reconnoître l’autorité de ses Officiers.

Toutes les Tribus des Francs, c’est-à-dire, tous les Francs indépendans, habitoient donc encore dans la Germanie en l’année quatre cens sept, quand les Vandales & les autres Peuples qui s’étoient joints avec eux, firent dans les Gaules la fameuse invasion qu’on a long-tems appellée absolument l’invasion des