Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pos de marquer expressement en quels lieux étoient les Quartiers de la plûpart des Corps de Troupes dont elle fait mention. Ces Corps étoient plus stables dans ces Quartiers que les grands Officiers de l’Empire ne l’étoient dans leurs dignités. D’ailleurs nous verrons dans la suite, que les Teifales du Poitou, & quelques autres Corps de Troupes, étoient encore à la fin du cinquiéme siécle dans les mêmes Quartiers où les laisse la Notice de l’Empire rédigée dès le commencement de ce siécle-là.

Or comment un Soldat qui avoit son Quartier auprès de Bourges, auroit-il pû faire valoir un bénéfice Militaire situé auprès de Cologne ? Comment en auroit-il pû tirer les vivres & les autres commodités nécessaires à sa subsistance ? Que lui en seroit-il revenu s’il l’eût affermé à notre maniere, à moins que ce bénéfice n’eût contenu un si grand nombre d’arpens, que l’Empire Romain, tout riche qu’il étoit en fonds de terre, n’auroit pas pû en assigner d’aussi étendus, à la dixiéme partie des Soldats attachés par leur premiere destination à la garde d’un certain Païs. Ainsi dès que le Service des Troupes eut été changé par Constantin, il aura fallu établir dans l’interieur du territoire de l’Empire des bénéfices Militaires, semblables à ceux qui étoient déja sur ses frontieres. Quelque-tems après Constantin, les Corps qui étoient sur pied avant son regne, seront devenus des Troupes de frontiere.

On n’avoit point à craindre, il est vrai, que ces Soldats domiciliés dans des cantons differens, s’attroupassent avant que d’être prévenus, en un nombre assez grand, pour leur donner la confiance de proclamer un nouvel Empereur. On ne devoit pas non plus craindre que l’esprit de désertion se mît parmi eux. On pouvoit même se promettre que lorsque le Païs où ils avoient leurs Métairies seroient envahis par l’Etranger, ils combattroient avec le courage que donne l’envie de conserver son bien. Mais d’un autre côté, le Soldat ne s’appesantissoit-il pas en menant le genre de vie qu’il devoit mener dans une Métairie où il avoit des Esclaves qui labouroient & moissonnoient pour lui ? Lorsqu’il s’agissoit de prévenir une irruption des Germains, en allant les attaquer dans leur propre Païs, n’étoit-il pas bien difficile de faire marcher à tems des Troupes composées d’hommes qu’il falloit tirer de leurs propres foyers ? Quelle difference entre ces Légions toûjours campées, qui gardoient le Rhin du tems de Tibere, & les Troupes de frontiere du Bas-empire, dont les Soldats épars