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premiere origine des possessions si connuës dans l’Histoire des Monarchies modernes, sous le nom de Fief. Saint Augustin qui vivoit au commencement du cinquiéme siécle, parle de ces concessions de terres faites à charge de servir, comme d’une chose déja très-ordinaire de son tems. » Personne n’ignore, dit-il, que les Soldats, avant que de recevoir des bénéfices temporels des Puissances du siècle, leur prétent un serment Militaire, par lequel ils s’obligent à porter les armes pour leur service. »

Il arriva même dans la suite qu’on ne laissa plus aux fils de ceux qui tenoient de ces bénéfices Militaires, la liberté qu’ils avoient d’abord d’opter, ou de se faire Soldats, ou de déguerpir les terres tenuës par leurs peres, à charge de servir à la guerre. Severe Sulpice après avoir dit que l’inclination naturelle de S. Martin le portoit à embrasser l’état Ecclésiastique, ajoute qu’il fut d’abord empêché de suivre sa vocation, par un événement arrivé lorsque cet Apôtre des Gaules étoit à l’âge de quinze ans. L’Empereur Constantin publia pour lors un Edit[1] qui enjoignoit à tous les fils de Véterans d’entrer dans le Service, & le pere de saint Martin qui n’approuvoit point les vûës de son fils, le dénonça aux Commissaires du Prince, qui l’obligerent à s’enrôler. Nous avons encore une Loi d’Honorius qui ordonne la même chose qu’ordonnoit la Loi de Constantin.

Dès que le Service des Troupes Romaines eût été changé, & dès qu’on leur eût donné des Quartiers dans l’interieur des Gaules, il aura fallu nécessairement y établir des bénéfices Militaires de même nature que ceux qui étoient déja sur la frontiere. Les Troupes Romaines, comme nous l’avons remarqué, étoient bien plus stables dans leurs Quartiers que ne le sont nos Troupes dans les lieux où elles tiennent garnison. A peine y demeurent-elles deux ou trois ans, au lieu que les premieres restoient dans leurs Quartiers durant un si grand nombre d’années, que la Notice de l’Empire qui ne daigne pas marquer le nom des personnes qui remplissoient les plus grandes dignités, lorsqu’elle fut dressée, parce qu’elles ne les possedoient que pour un tems, a jugé à pro-

  1. Vers l’année 331.